mercredi 15 janvier 2020

80. La bêtise du féminisme radikal : la « société patriarkale »

Quelques remarques sur un concept foireux de la rhétorique féministradikale




Dans nombre de médias, on peut lire ou entendre des déclarations de féministes (ou de journalistes se voulant féministes) parlant de « la société patriarcale ». Elles désignent ainsi la société actuelle, chose curieuse à première vue, et qui l'est aussi à la deuxième.

Un exemple entre mille : une petite rédactrice prétentieuse de Télérama
Dans le numéro 3652 de Télérama (18 au 24 janvier 2020), page 108, une certaine Mathilde Blottière écrit à propos d’une émission sur « La révolution Metoo » :
1) « c’est bientôt fini ce pouvoir patriarcal qui ne voit pas le mal dans la prédation sexuelle ? » (en exergue) ; on comprend ce que cette phrase « veut » dire : que « le patriarcat, c'est mal » ; mais ce qu'elle « veut dire », ce qu'elle signifie, est loin d'être clair : qu'est-ce donc, ou qui est-ce donc, que le « pouvoir patriarcal » qui trouve que la prédation sexuelle est une bonne chose ? S'agit-il réellement d'un « pouvoir » ? Ou s'agirait-il « du pouvoir » ?
2) « un peu de pédagogie sur les mécanismes bien intégrés du patriarcat ne nuit pas ».
Pour elle, journaliste quasiment inconnue (et qui mérite tout à fait de le rester), la notion de « patriarcat » est une évidence et s'applique sans problème à la société française actuelle.
Qu'en est-il vraiment ? 

La domination patriarcale en France depuis le XIXème siècle
Les choses sont claires. En France, ça ne va pas du tout !
En 1880, les jeunes filles n’ont pas obtenu un enseignement secondaire spécifique (la loi Camille Sée n'a en effet jamais été votée).
En 1881, l’enseignement primaire n’est pas devenu obligatoire (ni gratuit) pour les filles, contrairement aux garçons (privilégiés).
Notons que l’accès à l’université leur était interdit, comme le montre le cas de Marie Curie, qui a été obligée d’aller faire ses études en Russie en 1887.
En 1925, les jeunes filles n’ont pas obtenu l’alignement de l’enseignement secondaire féminin sur l’enseignement secondaire masculin.
En 1944, les femmes françaises n’ont pas obtenu le droit de vote.
En 1965, les femmes mariées vivant en France n’ont pas obtenu l’indépendance financière et professionnelle (le droit de travailler sans l’accord formel de leur mari ; le droit d’avoir un compte en banque personnel sans l'accord de leur mari).
En 1971, les jeunes filles n’ont pas obtenu le droit de se présenter à l’École Polytechnique.
En 1975, les femmes vivant en France n’ont pas obtenu la dépénalisation de l’IVG.
Récemment, les travailleuses n’ont pas obtenu (grâce à l’Union européenne) le droit (basique, non dérogatoire) de travailler la nuit, tout comme les hommes.
On voit que de durs combats attendent encore le mouvement féministe français.
Note : à partir de « Les choses sont claires », il s’agit évidemment d’un discours antiphrastique ou antichronologique.

L'intérêt de la notion de patriarcat appliqué à la France actuelle : zéro
On pourrait avoir l’impression que le mouvement féministe actuel est dominé par de très jeunes femmes (16-20 ans), qui n’ont pas vécu assez longtemps pour connaître personnellement certains des changements ci-dessus énumérés. Elles ignorent qu’ils ont eu lieu, ou peut-être veulent les ignorer, dans une manœuvre rhétorique à laquelle elles ont fini par croire dur comme fer. Un des problèmes est que les journalistes (les médiacrates ?) trouvent plaisant cet étalage d'ignorances et lui assurent une large diffusion.
Bien entendu, il existe encore des inégalités de situation entre hommes et femmes (mais personnellement, contrairement aux journalistes « féministes », je ne considère pas comme inadmissible que parmi les bacheliers S qui font des études médicales, les femmes choisissent plus la pharmacie et les hommes plus la médecine ; en effet, il y a aussi des hommes qui choisissent pharmacie et des femmes qui choisissent médecine (il y a même des hommes qui optent pour les études de Lettres !) : il ne s’agit donc pas d’un « choix genré » mais d’une donnée de fait, résultat de choix individuels non contraints légalement, ni même par une hypothétique « pression sociale », ni, bien sûr, par le « poids de millénaires d'oppression patriarcale ».
En revanche, je pense qu’il n'existe plus (en France ; il n'en va pas de même dans nombre de pays notamment les pays musulmans) d'inégalités de statut, telles que l’absence de droit de vote ou l'absence d’un enseignement secondaire équivalent. C’est pourquoi il me semble bizarre de parler de la société actuelle comme d’une « société patriarcale ».

La société française du XIXème siècle était-elle « patriarcale » ?
Il est possible que le statut des femmes ait, en France, été au plus bas pendant la période où le droit civil était régi par le Code Napoléon (1804) et où la Révolution avait décidé l’exclusion formelle des femmes du droit de vote ; auparavant, le statut des femmes n’était probablement pas très élevé, mais le Code civil a certainement formalisé et systématisé une différence de statut qui pouvait parfois être surmontée antérieurement, au moins dans certains cas (veuvage féminin, notamment).
Pour autant, avait-on alors affaire à une société patriarcale ?
Le mot « patriarcal » renvoie, selon le Petit Larousse (2006), à « une société dominée par les pères » (par exemple la société romaine) ; il me semble que ce terme inclut aussi l'idée de domination par les pères les plus âgés (les « patriarches ». Cela correspond-il à la société française du XIXème siècle ?
Celle-ci était régie et dominée par les hommes majeurs (qu’ils soient célibataires, mariés sans enfants ou mariés avec enfants), surtout par les plus riches (grâce au suffrage censitaire jusqu’en 1848 ; de facto ensuite). Il me semble plus approprié de parler de « société androcratique », ou, pour utiliser un terme courant il y a quelques décennies mais tombé en désuétude : « phallocratique », ou, pour utiliser un terme plus courant, « machiste », avec un puissant biais ploutocratique.
Cette société ignorait en particulier un aspect caractéristique d'une société « patriarcale », la volonté d’avoir le plus d’enfants possibles : chacun sait que dès la fin du XVIIIème siècle, la France est le pays où la natalité s’effondre, à tous les niveaux de la société (même si les taux restent longtemps supérieurs à ceux d’aujourd'hui) ; la France, pays le plus peuplé d’Europe en 1794, est dépassée successivement par la Russie (1795), l’Allemagne (1866) puis la Grande-Bretagne (1911), malgré l’émigration importante que connaissent ces pays.
Pour ce qui est de la société actuelle, la dimension ploutocratique demeure, mais la domination masculine est bien moins marquée.

Sur l’évolution du mouvement féministe en France
Dans l’ensemble, il n’y a pas eu en France de mouvement féministe notable avant 1968 et l’apparition du MLF. En particulier, il n’y a pas eu de lutte pour le suffrage féminin, contrairement à l’Angleterre (ce qui peut expliquer le « retard » de la France sur ce point : en réalité, c’est la faute des femmes françaises si elles ont dû attendre 1944 ! Je rigole). Des avancées que j’ai énoncées plus haut, la plupart résultent d’une pression exercée à la fois par des femmes et des hommes « éclairés » (les républicains, les socialistes (Blum), les communistes, les gaullistes...) sur des hommes conservateurs (et probablement des femmes conservatrices, des femmes fières de leur statut d'infériorité : en 1945, certaines des femmes interviewées à l'occasion des premières élections de l'après-guerre exprimaient l'idée que le vote, ce n'était pas pour les femmes). Il s’agissait donc d’une pression sociale, pas d’une pression militante. On pourrait dire que tout cela a été « octroyé » (mais ce terme aurait une tonalité péjorative inadéquate).
Lorsque le MLF apparaît, le plus gros de l’égalité statutaire existe ; le MLF mènera ses combats contre l’inégalité de situation, ainsi que pour l’obtention du droit à l’IVG et pour faire reconnaître effectivement le viol comme un crime.
Dans l'ensemble, on pourrait dire que les femmes ont obtenu 90 % de ce à quoi elles ont droit. Mais ces 10 % manquants, qui souvent ne relèvent pas du statut et sont donc beaucoup plus difficiles à régler (par exemple, la place des femmes dans le CAC 40, mais aussi les violences conjugales) suscitent une exaspération chez un certain nombre d'activistes qui ne sont qu'une minorité (la majorité des femmes ne les suit pas), mais bénéficient d'une très bonne couverture médiatique (la de Haas, par exemple). 
Il y a un changement de tonalité dans le mouvement actuel, une sorte de radicalisation théorique (ce que je qualifierais volontiers de « radikalisation »), fondée sur la croyance (rhétorique) que la situation actuelle des femmes est pire qu’il y a 50 ans (avant l’IVG et le MLF) – toute minimisation des problèmes étant assimilable à une sorte de délit intellectuel (voir par exemple l’affaire de la pétition Deneuve-Millet).
En fin de compte, l’objectif des mouvements féministes actuels (Osez le féminisme !, etc.) n’est pas tant de lutter pour améliorer la situation des femmes que de contraindre les femmes (et même les hommes) à « être féministes », c'est-à-dire à faire allégeance à la doxa féministradikale ; celles qui refusent sont considérées comme des traîtres à la cause (ou faut-il dire des traîtresses ?) ; ceux qui refusent ne trahissent certes pas leur « camp », mais ils « lèvent le masque », ils révèlent soit leur ignominie et sont donc considérés comme des « porcs », soit leur incompétence sociale de « has been » stupides et craintifs (Docteur Maboula : « Vous paniquez parce que votre monde est en train de s'effondrer » ; c'est un peu le discours de jadis et naguère des « marxistes-léninistes » de sinistre mémoire (Staline, Mao, Geismar et compagnie) à propos de la « petite bourgeoisie »). Il s’agit de créer un « champ idéologique » dans lequel « il sera interdit de ne pas faire (librement) allégeance à Mme de Haas et à ses consœurs ».

Complément (21 janvier 2020) : le patriarcat des sociétés mafieuses
L’association qu’établit Mathilde Blottière (suivant la doxa féministe radicale) entre « société patriarcale » et « prédation sexuelle » est-elle justifiée ? À voir. On peut penser au cas des sociétés de style mafieux, où la liberté des femmes est limitée, mais où elles ont une certaine protection (voir le début du Parrain : l’entrepreneur des pompes funèbres vient solliciter l'intervention du Parrain pour venger sa fille violée, dont les violeurs n’ont pas été condamnés par la justice ; effectivement, le Parrain commandite des représailles). Cet exemple n’est pas une preuve, mais une indication intéressante que notre société n’a pas grand-chose à voir avec quelque « patriarcat » que ce soit !

Complément (23 janvier 2020) : le patriarcat du régime de Vichy (les allocs)
Une société que l'on pourrait qualifier de patriarcale est celle que souhaitait et a en partie réalisée le régime de Vichy ; il est vrai que le régime de Vichy a laissé des traces : les allocations familiales, dont le caractère « patriarcal » ne saurait être nié (cependant, peu de féministes en demandent la suppression, quoique certaines les dénoncent pour la forme).

Complément (3 mars 2020) : la sélection des naissances mâles
Une caractéristique de sociétés que l'on peut qualifier de « patriarcales » consiste à opérer une sélection à la naissance (soit par avortement, soit par infanticide, soit par mauvais traitements) à l'encontre des bébés filles ; à ma connaissance, une telle pratique n'a jamais existé de façon notable en France, ni en général en Europe occidentale ; en revanche, elle est pratiquée de façon massive et désastreuse dans des pays aussi peu anodins que la Chine et l'Inde, où les générations sont systématiquement déséquilibrées (beaucoup plus d'hommes que de femmes) ; les « chercheuses féministes » ne devraient-elles pas y aller voir un peu ?

Complément (3 mars 2020) : les féministes qui soutiennent le voile islamique
Bien sûr, on peut signaler, mais sans trop insister, que les féministradikales défendent mordicus « la liberté des femmes musulmanes à porter le voile » (liberté qui n'est du reste pas remise en cause en France sauf dans des cas précis) : mais qu'est-ce que cette « liberté » qui consiste à reconnaître l'infériorité féminine dans le cadre d'un système authentiquement patriarcal : c'est la « liberté » de ne pas se soumettre au « patriarcat blanc occidental hétérosexuel » (de le« niquer ») en se soumettant à un patriarcat musulman souvent très envahissant... Car pour les féministradikales, il n'existe qu'un ennemi : le mâle blanc occidental hétérosexuel (MBOH), d'où la prétention de certaines de ces « subversives » à défendre à la fois le voile des femmes musulmanes et le mouvement queer : bel exemple d'intersektionnalité et d'abnégation, mais à sens unique, car les mâles musulmans sont des partisans inconditionnels de l'hétérosexualité la plus radicale. 

Un slogan féministe inepte à l'université de Nantes
Sur une manifestation féministradikale de haine contre le MBOH, je renvoie à un slogan que j'ai pris en photo, avant qu'il soit « censuré » par le service de nettoyage, à la Faculté des Lettres de Nantes (lien), mettant dans le même pot de chambre, auprès du dessin d'une vulve(gaire), « les mecs cis et les racistes ». Anodin ? Non : une preuve que l'activisme féministradikal se manifeste « où il veut et quand il veut », mais surtout pour dire n'importe quoi.



Création : 15 janvier 2020
Mise à jour : 3 mars 2020 (compléments)
Révision : 1° décembre 2020
Auteur : Jacques Richard
Blog : Les Malheurs de Sophisme
Page : 80. La bêtise du féminisme radikal : la « société patriarcale »
Lien : https://lesmalheursdesophisme.blogspot.com/2020/01/la-betise-du-feminisme-radikal-la.html







mardi 14 janvier 2020

79. Hoedt et Piron 3 : Hoedt et Piron sèment la terreur

Quelques remarques à propos d’une chronique débile sur France Inter


Classement : linguistique ; grammaire française




Ceci est une suite des pages
dans lesquelles je présente les deux auteurs et leur chronique et les premiers points de leur ânerilège :
1) Pourquoi « l’école républicaine » ?
2) A quoi sert « le fameux COD » ?
3) Pourquoi « Einstein » ?
4) L’historiette des lettres muettes.

Référence
*Arnaud Hoedt et Jérôme Piron, « Mythologie de la grammaire scolaire », chronique Tu parles !, France Inter, 11 août 2019, 9 h 50
*Page du site de France Inter correspondant à cette chronique (lien)

Suite du florilège des âneries des Bouvard et Pécuchet de la linguistique sur France Inter
5) Une citation i-conne-oclaste
Lorsque la page Internet référencée a été créée sur le site de France Inter, elle comportait une citation attribuée à André Chervel*, mise en évidence par une police trois fois plus grande que le reste :  
« La grammaire scolaire utilise des méthodes terroristes pour faire taire toute forme de réflexion grammaticale critique au profit d’une prière républicaine fondée sur le par cœur ! »
On remarquera, outre l’ineptie imbécile et outrancière de cette « métaphore » des « méthodes terroristes, qu'on retrouvait une option antirépublicaine totalement stupide, ainsi qu’une non moins stupide valorisation de la « réflexion grammaticale critique » opposée au « par cœur », c'est-à-dire les grands lieux communs de la logorrhée soixante-huitarde ; sans parler de la connotation religieuse (« prière ») attribuée sans rime ni raison à l’école de la IIIème République. À supposer que cette phrase ait réellement été écrite par Chervel, elle n’en reste pas moins un ramassis d’âneries.
Cette citation a été supprimée, comme on le constatera, suite à une requête que j’ai soumise à la direction de France Inter (bien entendu, Hoedt et Piron n’avaient pas daigné réagir aux remarques que je leur avais d’abord adressées).
Un des arguments que j’ai utilisés est que, dans la chronique orale, les deux guignols de la linguistique avaient énoncé cette citation (à 2’ 30’’ du début) en coupant la formule sur les méthodes terroristes ; dans ces conditions, il n’y avait aucune raison valable (du point de vue de la « défense de la liberté d’expression ») d’introduire en douce la formule sur le site.
Un autre argument était qu’ils avaient le droit de citer ce qu'ils voulaient, à condition de le faire sur des pages personnelles, mais qu’il n’en allait pas de même sur le site d’une radio de service public.
Troisième argument : la référence aux « méthodes terroristes » était outrageante pour les instituteurs et professeurs qui ont enseigné la grammaire « traditionnelle » pendant des décennies. J’avoue que je ne comprends pas comment on peut énoncer des trucs comme ça, à moins d’être confit de bêtise autosatisfaite (Ah je ris de me voir si rebelle en cette formule (Chervel) /chronique (Hoedt et Piron) ! »).
Note
*André Chervel : né en 1931, docteur ès lettres, historien et linguiste. J’avais trouvé très intéressant son livre Et il fallut apprendre à lire aux petits Français… Rétrospectivement, j’ai de sérieux doutes.

Commentaire
Il est certain que la « grammaire scolaire », telle qu’elle a été enseignée jusque dans les années 1960 dans l’enseignement primaire et secondaire, présentait de graves défauts du point de vue de la linguistique la plus avancée. De là à dire qu’elle était inutile, qu’elle « est une insulte à l’intelligence des élèves », qu'elle « utilise des méthodes terroristes », etc., il y a des pas qu’il faut oser franchir. Je pense que, pourvu du bagage de la « grammaire scolaire », on pouvait ensuite passer à d’autres analyses mieux corrélées avec la réalité de la langue.

Conclusion
Je citerai deux auteurs pas très connus, mais qui me paraissent plus intéressants que MM. Hoedt et Piron : Jacques Bonnet et Joël Barreau, auteurs de L’Esprit des mots Traité de linguistique Tome 1 Grammaire (Paris, L’École, 1974) qui écrivent dans leur Avant-propos : « Nous avons cherché à conserver au maximum le vocabulaire de la grammaire traditionnelle, mais nous avons dû utiliser un grand nombre de termes de la linguistique moderne et quelques autres forgés par nous quand cela était absolument nécessaire. » Et de fait, on trouve en page 208 et suivantes la notion de « complément direct » pour laquelle Hoedt et Piron ont, visiblement, la « haine ».
*Jacques Bonnet était inspecteur primaire en Loire-Atlantique ; Joël Barreau, agrégé de Lettres classiques, était professeur au lycée Clemenceau de Nantes ; leur ouvrage est fondé sur les thèses de Jean Gagnepain (1923-2006), professeur à l'université de Rennes.



Création : 14 janvier 2020
Mise à jour :
Révision :
Auteur : Jacques Richard
Blog : Les Malheurs de Sophisme
Page : 79. Hoedt et Piron 3 : Hoedt et Piron sèment la terreur
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jeudi 9 janvier 2020

78. Hoedt et Piron 2 : suite de l'ânerilège

Quelques remarques à propos d’une chronique débile sur France Inter


Classement : linguistique ; grammaire française




Ceci est une suite de la page Hoedt et Piron sur France Inter, ou La grammaire de les nuls, dans laquelle, après avoir présenté les deux duettistes et leur chronique, j’étudie les deux premiers points de leur ânerilège :
1) Pourquoi détestent-ils « l’école républicaine » ?
2) « Le fameux COD » ne sert-il qu'à pas grand-chose ?

Référence
*Arnaud Hoedt et Jérôme Piron, « Mythologie de la grammaire scolaire », chronique Tu parles !, France Inter, 11 août 2019, 9 h 50
*Page du site de France Inter correspondant à cette chronique (lien)

Suite du florilège des âneries énoncées doctement par les Bouvard et Pécuchet de la linguistique sur France Inter
3) Pourquoi impliquer « Einstein » dans ce mauvais coup ?
Ils dénoncent par la suite le fait que dans la grammaire scolaire, il y a plein d’exceptions, ils vont même jusqu’à s’en gausser : « c’est comme si Einstein avait déclaré « E = mc², sauf dans les cas suivants », et suivraient une vingtaine de page d’exceptions » (là, ils pensent à « chou, caillou, genou, etc.).
Ah bon ! Il n’y a pas de réelles « exceptions » dans les langues ? Les verbes irréguliers en français, anglais, allemand, ont sans doute été inventés par la grammaire scolaire… Vive l’espéranto !

4) l’historiette des lettres muettes
Bouvard et Pécuchet, voulant être toujours plus drôles (« Laetitia » a une capacité d’attention limitée pour les choses graves), narrent vers la fin une histoire cocasse, selon laquelle un maître ayant proposé l’exercice consistant à « souligner les lettres muettes », une élève (super intelligente) demande pourquoi on écrit ces lettres si on ne les prononce pas ; un élève « scolaire » (super bête) dit alors : « Parce qu’on ne saurait pas ce qu’il faut souligner ! ». 
Fin de l’histoire. 
Yes ! Tro cool, lè  duètist ! An  plus, il son féminist.
Le seul problème est qu’en français, il paraît difficile de se passer totalement des lettres muettes. Je soumets à MM. Bouvard et Pécuchet le problème de l’écriture phonétique de « un cheval », « un grand cheval », « une grande femme », « de grandes femmes », « un homme », « un grand homme », « de grands hommes » (il y a une certaine logique à faire apparaître visuellement le radical « grand- », alors que le « d » final est parfois muet, parfois prononcé « d » (grande), parfois « t » (grand homme), et que parfois apparaît à sa place un son « z » (grands hommes) correspondant lui aussi à une consonne généralement muette.
Même remarque pour le radical « gland- » (gland, glander, glandouiller, glandeur, glandeurs).

À suivre
*Hoedt et Piron sèment la terreur



Création : 9 janvier 2020
Mise à jour :
Révision :
Auteur : Jacques Richard
Blog : Les Malheurs de Sophisme
Page : 78. Hoedt et Piron 2 : suite de l'ânerilège
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mardi 7 janvier 2020

77. La féminisation du nom de l'auteur

Quelques remarques sur la féminisation du mot « auteur »


Classement : langage inclusif ; féminisme radikal




Référence
Un certain nombre de femmes écrivains, d’écrivaines, en quelque sorte, se présentent comme « autrices » de tel ou tel ouvrage. D’autres personnes préfèrent en rester à « auteure », dont la féminisation n’est cependant pas audible. Personne n'envisage « auteuse ».
Parfois, il y a discordance entre l'interviouveuse (pas l'interviouvrice) et l'interviouvée : 
« - X, vous êtes l'autrice du livre Y...
- Effectivement, j'en suis l'auteur(e). » (entendu une fois sur France Culture). L'interviouveuse, pleine de zèle inclusif, est confrontée à une interviouvée réticente devant ce néologisme ! Trahison !

Commentaire
Pour ma part, j’aime bien le terme d’ « autrice », je trouve qu’il s’intègre bien dans une formulation délicieusement allitérative : « triste autrice autiste ».
On pourrait aller plus loin : « très/trop triste artiste autrice autiste »….

Complément (30 janvier 2020)
Message adressé à France Inter suite à l'apparition d'un* « autrice » dans le Journal de 13 heures :
« Un certain nombre de chroniqueuses et autres intervenantes, par exemple dans le Journal de 13 h de ce jour à propos des auteures de BD, croient intelligent d'utiliser un néologisme des plus laids : "autrice".
En ce qui me concerne, ce mot me suggère irrésistiblement la formule : "triste autrice autiste", et je n'éprouve que dédain apitoyé envers celles qui croient promouvoir le droit des femmes à travers ce mot.
Cela fait longtemps que les mots "actrice", "institutrice", "directrice", etc., sont utilisés : il faut se demander pour quelle raison "autrice" ne l'était pas et non pas vouloir imposer de façon prétentieuse aux auditrices (et auditeurs) cette stupide atteinte à l'usage !
Donc, oui aux auteures, non aux autrices autistes et tristes ! »
*un : il s'agit du mot « autrice » et non pas d'une auteure en chair et en os.

Un peu de linguistique
1) il s'agit bien d'un néologisme récent : « autrice » n'apparaît ni dans le Grand Robert (1971), ni dans le Petit Larousse (2006).
2) sur le plan étymologique, le mot auctrix existe en laatin, mais n'est pas très courant : le Gaffiot donne une référence à Tertullien (créatrice), une au Code de Justinien (celle qui cautionne) et une à Servius (celle qui augmente) ; en revanche, en latin classique, le mot auctor est couramment utilisé au féminin (références à Cicéron, Virgile, Ovide).
3) il ne me paraîtrait pas évident de dire d'une femme qu'elle touche des « droits d'autrice » : en effet, de ce point de vue, il n'existe pas (en principe) d'opposition entre un statut masculin et un statut féminin ; à moins que « droits d'autrice » sous-entende que ces droits seraient moins élevés.

Ceux qui préfèrent les auteures



Ceux qui préfèrent les autrices
*6 février 2020, Journal de 8 h, France Culture : évocation de « la tribune des éditrices et des autrices dans Le Monde » (sans doute une triste tribune)
*Jonas Fontaine,  « Note critique sur Nos vies en séries » (de Sandra Laugier), Esprit, avril 2020, page 171-173 : « si cette autrice n'est pas spécialiste des séries...», « l'autrice parvient à montrer », « l'autrice se disant elle-même "fan de séries" », « l'espoir et la foi de l'autrice en l'intelligence des spectateurs »

Quelques réflexions générales
1) docteure, doctoresse, doctrice ?
Le mot « docteur » a eu un féminin, qui était utilisé dans les années 1950, et ne l'est plus aujourd'hui : « doctoresse » ; cela bien avant que le néo-féminisme existe, voire le féminisme de masse. 
Cela dit, cet exemple permet de réfléchir sur le problème. En fait, le mot  « doctoresse » signifiait  « femme exerçant la profession de médecin », mais pas du tout  « femme titulaire d'un doctorat en médecine ». En français le mot  « docteur » a deux sens : un majeur : « médecin » ; un mineur : « titulaire d'un doctorat » (en revanche, en Allemagne, le second sens est majeur ; je ne sais pas si le premier sens existe). A un moment de l'histoire sociale française, le  « docteur » a été quasiment identifié au  « docteur en médecine », au  « médecin » (ceci peut-être en relation avec le fait qu'au XIXème siècle, tous les médecins n'étaient pas  « docteur » (Charles Bovary), de sorte que ceux qui l'étaient devaient tenir à la reconnaissance de leur titre, l'habitude étant restée après que les médecins aient eu l'obligation d'avoir le doctorat.
Or, d'une part l'usage du mot  « doctoresse » s'est perdu (peut-être qu'il concernait principalement les médecins scolaires ?) ; d'autre part, personne n'a encore eu l'idée de féminiser le titre universitaire autrement que par  « docteure », mais évidemment pas par  « doctoresse »  « doctrice » !
Ce qui peut amener à imaginer qu'il est relativement facile de féminiser ce qui est concret (le nom d'une profession, voire d'une fonction), et moins ce qui est abstrait (un titre universitaire : la conservation du  « genre masculin » ne signifiant pas  « supériorité des mâles sur les femelles », mais plutôt que le genre masculin a un caractère de neutralité que n'a pas le genre féminin.

2) cheffe, cheftaine ?
Toujours dans les années 1950, on utilisait le mot « cheftaine » pour qualifier une « cheffe scoute ». Je ne sais pas si le mot « cheftaine » est toujours utilisé chez les scouts, mais il n'a pas été repris dans un usage plus général, et on s'en tient à une féminisation orthographique, pas phonétique (chef de cuisine, chef de section, chef en général).sous la fome « cheffe ». 
Peut-être que le mot « cheftaine », né dans le scoutisme, était trop connoté « société patriarcale » et qu'il ne convenait pas aux rebelles (institutionnelles) que sont les néo-féministes, mais il est tout de même intéressant de constater que ce mouvement plutôt conservateur qu'est le scoutisme avait féminisé le nom de cette fonction : preuve peut-être que les néo-féministes accordent beaucoup trop d'importance à la question ou plutôt que leur but n'est pas d'améliorer la condition des femmes, mais d'exercer un pouvoir de nuisance afin d'accroître l'influence des groupuscules de leur obédience.



Création : 7 janvier 2020
Mise à jour : 23 avril 2020 (occurrence + réflexions générales)
Révision :
Auteur : Jacques Richard
Blog : Les Malheurs de Sophisme
Page : 77. La féminisation du nom de l'auteur
Lien : https://lesmalheursdesophisme.blogspot.com/2020/01/la-feminisation-du-nom-de-lauteur.html








76. La rhétorique du Docteur Maboula 1 : les prostituées nigérianes

Quelques remarques sur les procédés rhétoriques d’un professeur branché de l’enseignement supérieur


Classement : féminisme radikal ; totalitarisme intellectuel




Ceci est une suite de la page Dr Maboula and Mister Jourde.

Référence
*« Médias, espace public : la liberté d’expression est-elle menacée ? », France Culture, Signes des temps, 24 novembre 2019

Les intervenants
Marc Weitzmann avait invité outre Pierre Jourde, Hadrien Mathoux (Marianne), Céline Piques (« Osez le féminisme ! ») et Maboula Soumahoro, « angliciste, maîtresse de conférence à l’Université de Tours, chercheuse en french diaspora studies ».

Diatribe
Le docteur Maboula, qui a soutenu sa thèse en 2008 à l’université de Tours, a ensuite été recruté comme maître de conférences par l’université de Tours. Comme chacun sait, rien de plus facile pour un thésard confirmé que d’obtenir un poste dans l’enseignement supérieur. Le docteur Maboula est donc parfaitement fondé à se prévaloir d’une faible affection pour la France, sentiment qu’il justifie et argumente dans les médias.
Pour ma part, je l’ai entendu dans l’émission Signes des temps (France Culture) à propos du problème de la « censure de fait » opérée par des groupes activistes d’extrême gauche. Le docteur Maboula était opposé à Pierre Jourde : celui-ci déplorait cette censure, Maboula en revanche affirmait qu’une telle censure n’existe pas, notamment parce que les interventions activistes visant à empêcher la tenue de tel ou tel événement ont lieu au nom de la JUSTICE ! Il semble que, selon le docteur Maboula tout ce qui est fait au nom de la JUSTICE est profondément JUSTE et ne saurait constituer, entre autre, un acte de censure, chose profondément INJUSTE (qui est le fait de l’État postcolonial INJUSTE).
Dans sa controverse avec Pierre Jourde, le docteur Maboula s’est énormément fondé sur le cas d’une conférence qu’Emma Becker devait tenir à Grenoble à propos de son livre La Maison, dans lequel elle narre une expérience de plus de deux ans comme prostituée dans divers bordels européens. Le docteur Maboula a répété à mainte reprise que cette conférence d’Emma Becker était profondément INJUSTE, notamment vis-à-vis des « prostituées nigérianes, qui elles n’ont pas droit à la parole ». À mon avis, le livre d’Emma Becker et Emma Becker elle-même sont surtout très cons et je n’aurais l’idée ni de l’acheter (le voler peut-être ?), ni d’aller écouter ce que son auteur en dit. Mais de là à empêcher la tenue de cette « conférence » !
Notons que le docteur Maboula évoque complaisamment la privation de parole des prostituées nigérianes (victimes par ailleurs de l’oppression intersectionnelle des maquereaux français, blancs et racistes), mais qu’elle ne fait rien pour leur donner effectivement la parole ; apparemment, elle estime que ces malheureuses femmes devront se satisfaire (par procuration) du fait que le Docteur Maboula ait lutté pour qu'Emma Becker soit privée de parole.
Donc, par conséquent, le docteur Maboula aura-t-il la bonté de chercher les moyens appropriés pour informer les prostituées nigérianes 
1) sur l’ « expérience » menée par Emma Becker ;
2) sur le fait qu’elle a été en leur nom privée de la parole à l’université de Grenoble ?
J’en doute, supposant que les prostituées nigérianes n'ont rien été d’autre que des instruments de l’argumentation du Docteur Maboula contre Pierre Jourde (et contre la société patriarcale en général), ou pour le dire plus clairement, qu’elles aient été purement et simplement instrumentalisées par le Docteur Maboula, rhétoricien et sophiste.



Création : 7 janvier 2020
Mise à jour :
Révision :
Auteur : Jacques Richard
Blog : Les Malheurs de Sophisme
Page : 76. La rhétorique du Docteur Maboula 1 : les prostituées nigérianes
Lien : https://lesmalheursdesophisme.blogspot.com/2020/01/la-rhetorique-du-docteur-maboula-1-les.html








lundi 6 janvier 2020

75. La bêtise de la formule « Pas d’amalgame ! »

Quelques remarques sur une formule récurrente dans le monde politico-médiatique


Classement :




Le refus de l’amalgame comme notion
La notion sous-jacente à la formule « Pas d’amalgame ! » est tout à fait correcte : on ne doit pas « amalgamer », assimiler l’ensemble des personnes présentant telle caractéristique non répréhensible avec ceux d’entre eux qui présentent de surcroît une caractéristique répréhensible.
En pratique, dans le monde actuel, cela signifie qu’on ne doit pas « amalgamer » les musulmans et les terroristes islamistes.

Le refus de l’amalgame comme formule
Malgré cela, vue sous un certain angle, la formule (la formule, pas la notion) « Pas d’amalgame ! » est imbécile.
Pourquoi ?
Parce qu’elle a pour but ou pour effet de clore un débat, à couper court à un raisonnement. Supposons qu’un attentat soit identifié comme « islamiste ». La formule « Pas d’amalgame ! », en voulant exonérer les musulmans de toute culpabilité, occulte le fait qu’il y a un groupe particulier à l’origine de cet acte terroriste.

Dialogue imaginaire
On pourrait imaginer le dialogue suivant, consécutif à un tel attentat :
« - Il y a un problème islamiste !
- Attention, pas d’amalgame !
- Quoi, pas d’amalgame ?
- Il ne faut pas incriminer les musulmans !
- Je n’incrimine pas les musulmans !
- Très bien, alors il n’y a pas de problème… » 
Fin du débat, tout va bien, jusqu’au prochain attentat, mais le problème n'a pas été traité. En pratique, il n'y a pas de dialogue, une personne profère la formule « Pas d’amalgame ! » ou une formule analogue (« Attention aux amalgames ! », « Gardons-nous de tout amalgame ! » et passe à autre chose (déploration des victimes éventuelles, appel à l'action des forces de l'ordre, etc.).

On dira qu’il ne faut pas non plus amalgamer les islamistes modérés aux islamistes terroristes (ou les « vrais islamistes » aux « islamistes dévoyés »).
La seule formule acceptable serait donc « Il y a un problème terroriste ! », ce qui est une tautologie, à moins qu’il ne faille pas non plus amalgamer les terroristes légitimes et ceux qui ne le sont pas : « N’oublions pas qu’en 1942, les résistants étaient considérés comme des terroristes ! »* (ni que « Tout est dans tout et réciproquement »).
D’ailleurs, il semble que François Hollande ait longtemps, sinon toujours, été sur cette ligne : il dénonçait le « terrorisme » (évidemment !), mais se refusait à énoncer clairement de quoi il s’agissait.
Variante Plenel, qui lui a énoncé son origine : ce terrorisme contre nous venait de nous-mêmes : « Nous avons enfanté ces monstres », « Nostra culpa, nostra culpa, nostra maxima culpa ». Il est bien évident que, bien qu’il dise « nous », Plenel n’inclut pas sa moustache (lien) parmi les responsables ; on pourrait même penser que « nous » signifie ici « vous » : « Vous, les salauds de laïcards, qui l’avez quand même bien un peu cherché, non ? ».

*Cette formule « N’oublions pas qu’en 1942, les résistants étaient considérés comme des terroristes ! » mériterait aussi une analyse ; en l'occurrence, ce sont les autorités d'occupation et les autorités du régime de Vichy qui qualifiaient ainsi (de façon logique de leur point de vue et dans un but de propagande) des actes qui leur étaient hostiles ; en fait, la notion de « terrorisme » ne correspond pas aux actes les plus graves commis par les résistants (assassinats de soldats allemands ; sabotage matériel ou ne touchant que des militaires allemands) ; il correspond en revanche à certains actes commis par l'armée allemande (massacre d'Oradour-sur-Glane par exemple). Le mot « terrorisme. » était en fait utilisé pour connoter de façon extrêmement péjorative la violence (incontestable) de ces actions (et par amalgame des actions de résistance non violente, propagande, espionnage, aide aux évasions, etc.).



Création : 6 janvier 2020
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Auteur : Jacques Richard
Blog : Les Malheurs de Sophisme
Page : 75. La bêtise de la formule « Pas d’amalgame ! »
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