mardi 6 novembre 2018

49. L'écriture inclusive 2. L'accord de proximité

A propos de l’écriture « inclusive » : l’accord de proximité


Classement :




Ceci est une suite de la page L'écriture inclusive 1. le point médian.

L’accord de proximité
Selon les thuriféraires de l’écriture inclusive, lorsqu’un mot doit être accordé simultanément avec un mot « masculin » et un mot « féminin », l’accord ne doit plus être « masculin » (comme le demande la « règle » actuelle), mais « masculin » ou « féminin » selon le genre du mot le plus proche.
On nous dit que cette règle existait au XVIIème siècle, avant que l’Académie en décide autrement.
Cette règle fonctionne sans problème dans certains cas.
En revanche, cela va moins bien dans d’autres : par exemple, le vers de Racine cité en faveur de l’accord de proximité (Marianne, 17 novembre 2017, page 90): « Armons nous d’un courage et d’une foi nouvelle ». Dans ce cas, en effet, il ne s’agit pas d’un simple problème d’orthographe (qui n’existe qu’à l’écrit), mais d’un problème d’expression (orale ou écrite). Peut-on, à l’oral, actuellement, utiliser indifféremment « nouveau » (« masculin ») ou « nouvelle » (« féminin ») ? Dans ce cas, en effet, la différence entre le « masculin » et le « féminin » n’est pas seulement orthographique, elle est marquée oralement (c’est le cas de beaucoup d’autres adjectifs : « petit », « grand », « fou », etc.). On peut évidemment dire que personne dans un usage courant actuel ne dirait « armons nous d’un courage et d’une foi nouvelle », ni du reste « armons nous d’une foi et d’un courage nouveau » [notons qu’en français actuel, s’il y a plusieurs mots qualifiés, on mettrait l’adjectif au pluriel].
Je vais donc utiliser un exemple plus réaliste, avec les mots « étudiant », « étudiante », « être », « tous », « présent ».

Cas d'école
Avant de commencer une réunion, le doyen doit demander à ses assesseurs :
« Les étudiants et étudiantes sont-XXs touXXs présentXXs ? »
Dira-t-il :
1) « Les étudiants sont-ils tous présents ? » (amalgame général du genre)
2) « Les étudiants et étudiantes sont-ils tous présents ? » (accord usuel)
3) « Les étudiantes et étudiants sont-ils tous présents ? » (accord de proximité et accord usuel)
4) « Les étudiants et étudiantes sont-elles toutes présentes ? » (accord de proximité)
Il me semble que la phrase 4 ne sera pas prononcée spontanément parce qu’elle serait ressentie comme illogique. Est-ce que ce ressenti serait une « construction », le résultat de « décennies, voire de siècles, de propagande en faveur du genre masculin » ? Il faut reconnaître qu’avec ce type de question, on entre dans une zone de réflexion qui se rapproche de la novlangue, créant une insécurité linguistique qui n’est pas souhaitable (mais qui est probablement l'objectif souhaité par les militants (et militantes) inclusivistes).
En revanche, les phrases 1, 2 et 3 sont spontanément acceptables, mais seule la phrase 3 est conforme à la revendication de « l’accord selon la proximité ».
Donc, l’ « accord de proximité » est acceptable à condition qu’il n’entraîne pas d’illogisme sémantique, ce qui suppose une reformulation de l’expression orale : pour conserver la formulation considérée comme normale (adjectif au masculin), on devra mettre le mot masculin en dernière position de la liste.



Création : 6 novembre 2018
Mise à jour :
Révision :
Auteur : Jacques Richard
Blog : Les Malheurs de Sophisme
Page : 49. L'écriture inclusive 2. L'accord de proximité
Lien : https://lesmalheursdesophisme.blogspot.com/2018/11/lecriture-inclusive-2-laccord-de.html








48. Ecriture inclusive : Daniel Schneidermann et l'accord de genre

Quelques remarques sur le positionnement très « rebelle-attitude » de Daniel Schneidermann à propos de l’écriture inclusive


Classement :




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Référence
*Daniel Schneidermann, Libération, 27 novembre 2017

Présentation
Dans sa chronique hebdomadaire, Schneidermann évoquait l’émission de télévision de Dominique Taddéi à laquelle il avait été récemment invité, en même temps que deux femmes (apparemment).

Texte
« Ses trois invitées (je pratique pour la circonstance l’accord de majorité) étant grosso modo d’accord sur l’existence d’un problème, à propos de la monstration des rapports homme-femme dans le cinéma, il se faisait l’avocat du diable. »

Commentaire
A mon avis, « l’accord de majorité » est acceptable en ce qui concerne des mots dont le référent n’est pas sexué (« chaise », « fauteuil », « lit », « armoire ») ; ces mots ont un « genre (grammatical) » (dit « masculin » ou « féminin »), mais les référents n’ont ni sexe, ni « genre (personnel) ».
En revanche, quand les référents d’une liste sont sexués, ça colle moins bien (« les verrats et les truies sont très grosses ») ; du reste, dans l’exemple de Schneidermann, il ne s’agit que d’orthographe (à l’oral, il n’y a pas de différence entre « ses trois invités » et « ses trois invitées », mais il n'en irait pas de même s’il s’agissait de « ses trois importantes invitées » ? Daniel Schneidermann accepterait-il volontiers d’être catalogué comme « importante invitée » de Taddéi ? (il se croirait obligée [sic] de dire « oui », mais au fond du fond ?)
A moins évidemment qu’il se présente désormais comme « Daniel.le Schneider.mann.frau » ?
Cela dit, rien n'est simple : si la formule « ses trois importants invités » peut convenir en référence à un homme et deux femmes (nonobstant l’écriture inclusive), il n’en va pas de même avec « ses trois beaux invités » (sans doute du fait que le champ sémantique de « beau » est plus sexué que celui d’ « important »). Le résultat est que, en pratique dans un tel cas, cette formule ne sera pas utilisée, on recourra à une formulation plus longue pour signifier qu’un homme et deux femmes peuvent tous les trois être considérés comme « beau » et « belles ».
Cela montre qu’on ne peut pas absolument tout dire dans une langue en respectant un schéma formel contraignant.



Création : 6 novembre 2018
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Auteur : Jacques Richard
Blog : Les Malheurs de Sophisme
Page : 48. Daniel Schneidermann et l'accord de genre
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