mardi 7 janvier 2020

77. La féminisation du nom de l'auteur

Quelques remarques sur la féminisation du mot « auteur »


Classement : langage inclusif ; féminisme radikal




Référence
Un certain nombre de femmes écrivains, d’écrivaines, en quelque sorte, se présentent comme « autrices » de tel ou tel ouvrage. D’autres personnes préfèrent en rester à « auteure », dont la féminisation n’est cependant pas audible. Personne n'envisage « auteuse ».
Parfois, il y a discordance entre l'interviouveuse (pas l'interviouvrice) et l'interviouvée : 
« - X, vous êtes l'autrice du livre Y...
- Effectivement, j'en suis l'auteur(e). » (entendu une fois sur France Culture). L'interviouveuse, pleine de zèle inclusif, est confrontée à une interviouvée réticente devant ce néologisme ! Trahison !

Commentaire
Pour ma part, j’aime bien le terme d’ « autrice », je trouve qu’il s’intègre bien dans une formulation délicieusement allitérative : « triste autrice autiste ».
On pourrait aller plus loin : « très/trop triste artiste autrice autiste »….

Complément (30 janvier 2020)
Message adressé à France Inter suite à l'apparition d'un* « autrice » dans le Journal de 13 heures :
« Un certain nombre de chroniqueuses et autres intervenantes, par exemple dans le Journal de 13 h de ce jour à propos des auteures de BD, croient intelligent d'utiliser un néologisme des plus laids : "autrice".
En ce qui me concerne, ce mot me suggère irrésistiblement la formule : "triste autrice autiste", et je n'éprouve que dédain apitoyé envers celles qui croient promouvoir le droit des femmes à travers ce mot.
Cela fait longtemps que les mots "actrice", "institutrice", "directrice", etc., sont utilisés : il faut se demander pour quelle raison "autrice" ne l'était pas et non pas vouloir imposer de façon prétentieuse aux auditrices (et auditeurs) cette stupide atteinte à l'usage !
Donc, oui aux auteures, non aux autrices autistes et tristes ! »
*un : il s'agit du mot « autrice » et non pas d'une auteure en chair et en os.

Un peu de linguistique
1) il s'agit bien d'un néologisme récent : « autrice » n'apparaît ni dans le Grand Robert (1971), ni dans le Petit Larousse (2006).
2) sur le plan étymologique, le mot auctrix existe en laatin, mais n'est pas très courant : le Gaffiot donne une référence à Tertullien (créatrice), une au Code de Justinien (celle qui cautionne) et une à Servius (celle qui augmente) ; en revanche, en latin classique, le mot auctor est couramment utilisé au féminin (références à Cicéron, Virgile, Ovide).
3) il ne me paraîtrait pas évident de dire d'une femme qu'elle touche des « droits d'autrice » : en effet, de ce point de vue, il n'existe pas (en principe) d'opposition entre un statut masculin et un statut féminin ; à moins que « droits d'autrice » sous-entende que ces droits seraient moins élevés.

Ceux qui préfèrent les auteures



Ceux qui préfèrent les autrices
*6 février 2020, Journal de 8 h, France Culture : évocation de « la tribune des éditrices et des autrices dans Le Monde » (sans doute une triste tribune)
*Jonas Fontaine,  « Note critique sur Nos vies en séries » (de Sandra Laugier), Esprit, avril 2020, page 171-173 : « si cette autrice n'est pas spécialiste des séries...», « l'autrice parvient à montrer », « l'autrice se disant elle-même "fan de séries" », « l'espoir et la foi de l'autrice en l'intelligence des spectateurs »

Quelques réflexions générales
1) docteure, doctoresse, doctrice ?
Le mot « docteur » a eu un féminin, qui était utilisé dans les années 1950, et ne l'est plus aujourd'hui : « doctoresse » ; cela bien avant que le néo-féminisme existe, voire le féminisme de masse. 
Cela dit, cet exemple permet de réfléchir sur le problème. En fait, le mot  « doctoresse » signifiait  « femme exerçant la profession de médecin », mais pas du tout  « femme titulaire d'un doctorat en médecine ». En français le mot  « docteur » a deux sens : un majeur : « médecin » ; un mineur : « titulaire d'un doctorat » (en revanche, en Allemagne, le second sens est majeur ; je ne sais pas si le premier sens existe). A un moment de l'histoire sociale française, le  « docteur » a été quasiment identifié au  « docteur en médecine », au  « médecin » (ceci peut-être en relation avec le fait qu'au XIXème siècle, tous les médecins n'étaient pas  « docteur » (Charles Bovary), de sorte que ceux qui l'étaient devaient tenir à la reconnaissance de leur titre, l'habitude étant restée après que les médecins aient eu l'obligation d'avoir le doctorat.
Or, d'une part l'usage du mot  « doctoresse » s'est perdu (peut-être qu'il concernait principalement les médecins scolaires ?) ; d'autre part, personne n'a encore eu l'idée de féminiser le titre universitaire autrement que par  « docteure », mais évidemment pas par  « doctoresse »  « doctrice » !
Ce qui peut amener à imaginer qu'il est relativement facile de féminiser ce qui est concret (le nom d'une profession, voire d'une fonction), et moins ce qui est abstrait (un titre universitaire : la conservation du  « genre masculin » ne signifiant pas  « supériorité des mâles sur les femelles », mais plutôt que le genre masculin a un caractère de neutralité que n'a pas le genre féminin.

2) cheffe, cheftaine ?
Toujours dans les années 1950, on utilisait le mot « cheftaine » pour qualifier une « cheffe scoute ». Je ne sais pas si le mot « cheftaine » est toujours utilisé chez les scouts, mais il n'a pas été repris dans un usage plus général, et on s'en tient à une féminisation orthographique, pas phonétique (chef de cuisine, chef de section, chef en général).sous la fome « cheffe ». 
Peut-être que le mot « cheftaine », né dans le scoutisme, était trop connoté « société patriarcale » et qu'il ne convenait pas aux rebelles (institutionnelles) que sont les néo-féministes, mais il est tout de même intéressant de constater que ce mouvement plutôt conservateur qu'est le scoutisme avait féminisé le nom de cette fonction : preuve peut-être que les néo-féministes accordent beaucoup trop d'importance à la question ou plutôt que leur but n'est pas d'améliorer la condition des femmes, mais d'exercer un pouvoir de nuisance afin d'accroître l'influence des groupuscules de leur obédience.



Création : 7 janvier 2020
Mise à jour : 23 avril 2020 (occurrence + réflexions générales)
Révision :
Auteur : Jacques Richard
Blog : Les Malheurs de Sophisme
Page : 77. La féminisation du nom de l'auteur
Lien : https://lesmalheursdesophisme.blogspot.com/2020/01/la-feminisation-du-nom-de-lauteur.html








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