Quelques remarques à propos d’une chronique débile sur France Inter
Classement : linguistique ; grammaire française
Référence
*Arnaud Hoedt et Jérôme Piron, « Mythologie de la grammaire
scolaire », chronique Tu
parles !, France Inter, 11 août 2019, 9 h 50
*Page du site de France Inter correspondant à cette chronique (lien)
Les auteurs
*Arnaud Hoedt : belge ; promoteur d’un
changement de la règle de l’accord du participe passé (« les crêpes que
j’ai mangé ») (cpa lpir)
*Jérôme Piron : en gros idem.
*Hoedt et Piron : anciens professeurs de
français ; commettent des spectacles à base de linguistique ; chargés
d’une chronique linguistique sur France Inter pendant l’été 2019
Voici comment la chronique du 11 août est présentée sur la page du site
« Nos deux iconoclastes, Arnaud Hoedt et Jérôme
Piron, nous proposent de démonter le plus grand mythe fondateur de l’école
républicaine : la grammaire scolaire. Et ceci avec le soutien d'André Chervel,
remarquable linguiste, grammairien et historien français. »
C’est par hasard que je suis tombé sur cette chronique
nulle (je n’écoute pas habituellement France Inter le dimanche à 8 h 50), je n’en
ai donc pas écouté d’autres.
La chronique
C’est un ramassis de sottises énoncées par deux
pédants, imbus de lectures derrière lesquelles ils cachent une absence
de réflexion sur le sujet dont ils croient parler.
Hoedt et Piron commencent par un long blablabla sur ce
qu’est la grammaire, la distinction entre grammaire descriptive et grammaire
normative. Ils s’attaquent ensuite à un certain nombre de notions, en
particulier le « COD ».
Florilège des âneries énoncées doctement par les
Bouvard et Pécuchet de la linguistique sur France Inter
1) Pourquoi détestent-ils « l’école républicaine » ?
« Plus grand mythe fondateur de l’école
républicaine », la grammaire scolaire « savez-vous, Laetitia, remonte
au début du XIXème siècle » (Laetitia est une admiratrice
présente dans le studio, je suppose).
Mais… cela ne va pas du tout : quand on se réfère
à l’école républicaine, on pense à celle des années 1880 (Ferry, etc., l’école
« gratuite, laïque et obligatoire ») ; si, comme ils le prétendent,
la « grammaire scolaire » date du début du XIXème siècle,
elle n’est pas spécialement attachée à « l’école
républicaine » ; pour une raison à déterminer, aussi bien Bouvard et
Pécuchet que leur gourou Chervel s’acharnent, sans motif valable, contre
« l’école républicaine ». Seraient-ils partisans d’une « école
royaliste » ? Non, bien sûr, mais cela montre qu’ils parlent sans
réfléchir !
2) « Le fameux COD » ne sert-il qu'à pas grand chose ?
Selon Hoedt et Piron, « le fameux COD a été créé
pour la règle d’accord du participe passé. Il ne sert qu’à ça ! ».
Ils sont bien péremptoires. Il me semble qu’une des
raisons pour lesquelles la « grammaire scolaire » a créé les exercices
d’« analyse grammaticale » et d’« analyse logique » (« nature »
des mots ; distinction entre sujet, verbe, compléments direct,
d’attribution, de circonstances, etc. ; reconnaissance des types de
« propositions ») était de permettre aux élèves des collèges (niveau
secondaire donc) de mieux comprendre le français en vue de l’étude du latin et du grec, langues à déclinaisons,
et cette étude (la grammaire du français était
d’ailleurs parfois marquée par la structure de la langue latine : par
exemple : la formulation française « la ville de Paris » était analysée
comme une « apposition », en parallèle avec le latin « urbs
Roma »).
Ce problème ne concerne d’ailleurs pas seulement le
latin et le grec ancien, mais de nombreuses langues actuelles qui ont encore
des déclinaisons, eh oui ! (allemand, russe et langues slaves en général, islandais,
basque, etc. etc.). Or, pour passer d’une langue sans déclinaison à une langue
avec déclinaisons, il est utile de distinguer conceptuellement (en français, par
exemple) le « complément direct » (sans préposition : « je
vois un homme ») des
« compléments indirects » (avec préposition : « je parle à un homme », « je suis dans la maison »), ce qui permet
de savoir quel cas (avec ou sans préposition) il faut utiliser ; en
général, au complément direct français correspond le cas accusatif sans
préposition (latin : « video virum » ;
allemand : « ich sehe einen Mann », russe : « ya vizhu muzhshtshinu »).
Bien entendu, il n’est pas absolument nécessaire de
connaitre le concept de « complément direct » pour apprendre une
langue étrangère ; mais cela rend les choses plus simples que si on est
obligé de prendre un exemple.
Autre argument contre la thèse Hoedt-Piron :
l’intérêt général du « complément direct » c’est d’être un élément
syntaxique en relation avec d’autres éléments syntaxiques
(« sujet » ; « compléments indirects ») qui permettent
une appréhension élémentaire de la langue. L’idée que le « COD »
(dans lequel la mention « d’objet » est certainement superfétatoire,
puisqu’il s’agit d’une notion sémantique et non pas grammaticale) « ne
sert que pour la règle d’accord du participe passé » et même que « il
a été créé pour ça » ne rime pas à grand-chose : la notion de
complément direct est un des fondements de l’analyse des langues dépourvues de
déclinaisons. Cette notion est antérieure (théoriquement, sinon historiquement)
à la question de l’accord des participes passés.
A suivre
Création : 24 octobre 2019
Mise à jour : 9 janvier 2020 (lien vers la suite)
Révision :
Auteur : Jacques Richard
Blog : Les Malheurs de Sophisme
Page : 68. Hoedt et Piron sur France Inter, ou La grammaire de les nuls
Lien : https://lesmalheursdesophisme.blogspot.com/2019/10/hoedt-et-piron-sur-france-inter-ou-la.html
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