dimanche 26 juillet 2020

97. La grammaire française dans la chanson

Quelques exemples grammaticaux pris dans des chansons connues, anciennes ou récentes


Classement : grammaire ; grammaire française




Le but de cette page est d’utiliser un corpus de textes d’usage général.

Sommaire
L’opposition imparfait-passé simple
Le futur
Le subjonctif présent
1) Utilisé après le verbe « falloir »
2) Autres emplois
Le subjonctif imparfait

Index des chansons citées
Cécile (Claude Nougaro)
Comme de bien entendu (Jean Boyer)
Dans les prisons de Nantes (répertoire populaire)
Supplique pour être enterré à la plage de Sète (Georges Brassens)
Le Tambour miniature (Ah il fallait pas qu’il y aille) (répertoire militaire)

L’OPPOSITION IMPARFAIT-PASSÉ SIMPLE
*Comme de bien entendu (Jean Boyer)
« Elle était jeune et belle, comme de bien entendu,
Il eut le béguin pour elle, comme de bien entendu,
Elle était demoiselle, comme de bien entendu,
Il s’arrangea pour qu’elle ne le soit plus, comme de bien entendu. »
Ce couplet vient de la chanson du film de Jean Boyer Circonstances atténuantes (1939), avec Michel Simon et Arletty.

*Cécile (Claude Nougaro)
« Elle voulait un enfant,
Moi je n’en voulais pas,
Mais il lui fut pourtant facile,
Avec ses arguments,
De te faire un papa,
Cécile,
Ma fille. »

Ces exemples montrent que l’opposition imparfait (situation)/passé simple (action) est claire pour les auteurs de ces chansons, et on peut le supposer, comprise par leur public (populaire). Il n’y a donc pas lieu de dire que « le passé simple est un temps désuet » ; il est vrai que personne ne l’utilise dans l’expression orale courante, mais il est très bien compris dans des textes qui n’ont rien d’ « élitiste ».

*Dans les prisons de Nantes : un cas particulier
« Dans les prisons de Nantes
avait un prisonnier.
Personne ne le vint "vouère"
Que la fille du geôlier.
Un jour il lui demande :
Et que dit-on de "moué" ? »

Ici, on a bien une opposition imparfait-passé simple, mais assez curieuse : il serait plus logique de trouver « personne ne venait le voir », puis « un jour il lui demanda » ;  mais le texte délaisse le passé simple au profit du présent (narratif) et utilise le passé simple de façon paradoxale, ce qui est peut-être lié à la relative ancienneté de cette chanson.

LE FUTUR
*Dans les prisons de Nantes
« Je chante pour les belles
Surtout celle du geôlier
Si je reviens à Nantes
Oui je l'épouserai
Dans les prisons de Nantes
Y avait un prisonnier »
L’intérêt de ce texte est d’indiquer une prononciation du futur 1ère personne en –é, puisque « épouserai » rime avec « prisonnier », « geôlier » (et bien d’autres mots en –é), alors que la tendance (actuellement dans la région de Nantes) est de prononcer le futur 1ère personne en –è (proche du conditionnel présent 1ère personne)

LE SUBJONCTIF PRÉSENT
1) Utilisé après le verbe « falloir »
*Le tambour miniature
 « Ah, i fallait pas, il fallait pas qu’il y aille,
Ah, il fallait pas, il fallait pas y aller. »
Ce refrain vient d’une chanson militaire du XIX° siècle (chant des troupes de marine) (lien 1) (lien 2).

*Dans les prisons de Nantes (version des Tri Yann)
« On dit de vous en ville
Que pendu vous serez.
Mais s'il faut qu'on me pende,
Déliez-moi les pieds. »

*Autre version
« Le bruit court par la ville
Que demain vous mourrez
Puisqu'il faut que je meure
Déliez-moi les pieds. »

2) Autres emplois
a) Après « pour que »
*Comme de bien entendu (Jean Boyer)
« Elle était demoiselle, comme de bien entendu,
Il s’arrangea pour qu’elle ne le soit plus, comme de bien entendu. »
L’auteur ne fait malheureusement pas la concordance des temps (« Il s’arrangea pour qu’elle ne le fût plus »), qui a dû paraître trop formaliste.

LE SUBJONCTIF IMPARFAIT
*Supplique pour être enterré à la plage de Sète (Georges Brassens)
« Note ce qu'il faudrait qu'il advînt de mon corps,
Lorsque mon âme et lui ne seront plus d'accord
Que sur un seul point : la rupture. »
Brassens fait une concordance des temps et modes entre le conditionnel présent et le subjonctif imparfait, qui est peut-être discutable (« ce qu'il faudrait qu'il advienne » ?) et est peut-être lié à la prosodie de l'alexandrin (il me semble qu'on dirait : « il faudrait qu'il vienne » et non pas « il faudrait qu'il vînt »).
Une version trouvée sur Internet donne : « Note ce qu’il faudra qu’il advint de mon corps » (lien), mais elle ne tient pas debout du point de vue grammatical (> ce qu’il faudra qu’il advienne). Une autre version (Facebook INA, lien) donne : « Note ce qu’il faudrait qu’il advint de mon corps », où le subjonctif imparfait est remplacé par un passé simple.
Ces confusions montrent que le subjonctif imparfait est probablement le temps le moins familier, le moins bien reconnu.



Création : 26 juillet 2020
Mise à jour :
Révision :
Auteur : Jacques Richard
Blog : Les Malheurs de Sophisme
Page : 97. La grammaire française dans la chanson
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dimanche 12 juillet 2020

96. Du relativisme en général

Quelques remarques ironiques sur le relativisme en général


Classement : épistémologie ; relativisme 




Le paradoxe du Crétois
« Un Crétois dit : Tous les Crétois sont des menteurs ». En fait cet énoncé n’est pas vraiment paradoxal car, en français, « être un menteur » ne signifie pas « mentir tout le temps », mais « mentir quand ça nous arrange ».
L’énoncé paradoxal serait : « Un Crétois dit : Les Crétois ne disent jamais la vérité. ». Cette construction est correcte grammaticalement, mais elle n’est pas valide sur le plan logique, puisque si un Crétois dit que les Crétois ne disent jamais la vérité, c’est qu’en réalité, les Crétois disent toujours la vérité. Et s’ils disent toujours la vérité, l’affirmation « Les Crétois ne disent jamais la vérité » est vraie… (ad libitum). Évidemment, on peut aussi dire que le contraire de « Ils ne disent jamais la vérité » est : « Ils disent parfois la vérité, et parfois non », de sorte que la phrase ne constituerait pas du tout un paradoxe.

Le relativisme 
On peut rapprocher ce paradoxe de l’attitude des personnes (Bruno Latour, par exemple, à une époque…) qui disent : « Je suis relativiste, selon moi la "vérité" n’existe pas ». Il est clair que l’énoncé « selon moi, la vérité n’existe pas » n’a aucune valeur logique : en tant que « relativiste », je ne peux accorder de « valeur de vérité » à aucun énoncé, et notamment à l’énoncé : « selon moi, la vérité n’existe pas ». Donc, il faut admettre qu’en réalité, « la vérité existe peut-être », et si elle existe « peut-être », elle « existe » tout simplement.

Notons qu’aucun relativiste fonctionnaire de l’État (« prof de fac », chercheur au CNRS, etc.) n’a jamais considéré comme faux ou douteux l’énoncé : « Le 28 (ou le 29) de ce mois, mon traitement tombera sur mon compte en banque », alors que certains d'entre eux ont la « certitude »  que « Toute "théorie scientifique" est déterminée socialement de part en part ».



Création : 12 juillet 2020
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Auteur : Jacques Richard
Blog : Les Malheurs de Sophisme
Page : 96. Du relativisme en général
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