mercredi 11 novembre 2020

101. Les erreurs élémentaires de l'antispécisme

Quelques remarques sur un lieu commun antispéciste


Classement : antispécisme




Un des lieux communs de la littérature médiatique sur la question des relations homme-animaux est que, plus on fait des recherches sur les animaux, moins on croit qu’il existe un « propre de l’homme » », plus il est « difficile de tracer la limite entre l’homme (l’espèce humaine) et les animaux.
Certains tirent de ces analyses sommaires des conclusions drastiques : l’homme « est un animal comme les autres », « n’est pas supérieur aux autres animaux », « n’a aucun droit sur les animaux », notamment ceux de les élever, d’exploiter leurs productions (laine, œufs…), de les utiliser (animaux de compagnie, chevaux de course, chiens d’aveugle…), de les abattre pour manger leur viande.
 
Quelques performances animales
Les recherches sur les animaux ont établi par exemple, que les corbeaux conceptualisent le nombre 3 (à moins que ce soit 17) et que les chimpanzés peuvent exprimer des idées grâce à la langue des signes (enfin, disons que un chimpanzé a réussi, au terme de 12 ans d’apprentissage, à connaître deux ou trois signes, ou peut-être 19, et à s’en servir pour « dialoguer » avec son coach, qui est donc loin d’avoir perdu son temps !
 
Ces découvertes sont tout à fait intéressantes, mais ne constitue pas une preuve validant les « conclusions drastiques » énoncées plus haut. Le fait que les corbeaux conceptualisent le nombre 3 ne signifie pas qu’ils disposent d’un « trait humain », qu’ils remettraient en cause la barrière entre l’homme et le corbeau. Cela signifie que leur « nature de corbeau » inclut ce trait (pouvoir compter jusqu’à 3) et que la « nature humaine » inclut le même trait. Point commun !
Il est clair depuis longtemps que les animaux sont doués (comme l’homme) de sensibilité et qu’ils sont affectés par la souffrance ; qu’ils sont dotés d’une certaine capacité conceptuelle : tout laisse penser qu’un chat ou un chien domestiques peuvent conceptualiser les notions de « homme » (par opposition à « chat », « chien »), « homme qui est mon maître », « homme qui n’est pas mon maître » (en revanche, je ne suis pas sûr qu’ils conceptualisent la différence entre « homme mâle » et « homme femelle ») ; même les vaches et les poules doivent avoir dans la tête les concepts appropriés à leur situation. Qu’en est-il des araignées et des vers de terre ? C’est plus difficile à évaluer (mais leur sensibilité à la souffrance est certaine).
 
J’irai même plus loin : de même que l’homme est le développement évolutif d’une branche des primates, rien n’empêche en théorie qu’un processus identique commence (ou ait déjà commencé) pour une autre branche du monde animal ; et que dans quelques centaines de milliers d’années, il existe sur la Terre une autre espèce aussi intelligente et habile que l’homme (mais pas interféconde). En théorie, parce que l’emprise de l’homme sur la terre est à l’heure actuelle si forte (si violente) qu’il y a peu de place pour le développement d’un processus évolutif extérieur à l’homme.
 
Quelques performances humaines
Cela n’abolit pas la barrière intellectuelle entre l’homme et les autres espèces animales, sans parler de de la barrière biologique (non interfécondité, qui n’est pas une « construction sociale »). Il n’y a peut-être pas de « propre de l’homme », mais l’homme dispose de « traits caractéristiques » par centaines ou par milliers, et il peut pousser chacun d’eux à des niveaux inaccessibles aux animaux (par exemple : compter jusqu’à un milliard, additionner (avec ou sans calculette) 175 013 et 233 404, savoir que 3 et 17, ainsi que 19, sont des nombres premiers, extraire des racines carrées (ce qui, comme l’a dit Pagnol, est plus difficile de d’extraire les racines d’arbre), comprendre ce qu’est un logarithme, etc. ; imaginer et exprimer des idées telles que « les animaux ne sont en rien supérieurs aux hommes » ou « les animaux n’ont aucun droit sur l’homme », etc., etc.).
 
L’homme est supérieur aux animaux, bien qu’il ne soit pas toujours le plus « fort »
C’est un fait que « l’homme est supérieur aux animaux » ; cela ne veut pas dire qu’un homme (individu) soit supérieur à tout animal dans n’importe quelle situation ; mais que l’homme (espèce) l’est (plus intelligente ; plus habile). 
Cette supériorité n’est évidemment pas morale, elle est injuste, et peut même être funeste ; telle qu’elle est mise en pratique depuis quelques décennies, elle a pour résultat une dégradation rapide du monde animal et du monde végétal qui pourrait à terme être nuisible à l’homme lui-même. Cela peut être rapproché du fait que la supériorité intellectuelle et technique d’un groupe humain par rapport à d’autres groupes humains peut avoir des effets gravement négatifs sur ces derniers.
 
L’homme a tous les droits sur les animaux, y compris le droit de limiter ses droits.
De cette supériorité, il résulte que « l’homme a tous les droits sur les animaux » et que « les animaux n’ont aucun droit ».
L’erreur est d’introduire de la morale ou de la métaphysique, de dire (plaintivement ou agressivement) que « l’homme n’a aucun droit sur les animaux » ou que « il faut respecter les droits des animaux ». Comment pourrait-on respecter ce qui n’existe pas, en dehors du cerveau d’un certain nombre d’activistes ? Sur quoi se fondent de telles assertions ? C’est aussi inepte qu’un colon israélien proclamant sans rire : « Je suis ici, j’y resterai et je mettrai le pays à feu et à sang parce que cette terre nous a été donnée par Dieu ».
La seule chose que l’on puisse penser raisonnablement à propos des relations entre les hommes et les animaux est que « l’homme peut et doit s’imposer des règles dans ses relations avec les animaux » : interdire ou limiter la consommation de viande ; interdire ou limiter la chasse, la pêche, etc. Que ce soit pour des raisons environnementales (c'est-à-dire pour préserver l’environnement de l’espèce humaine) ou pour des raisons « animalitaires » (parce qu’on n’aime pas la souffrance des animaux, du moins celle qui est infligée par des hommes ; cela me rappelle le film de Buñuel, La Voie lactée, où est citée la décision d’un ancien concile, selon laquelle c’est un péché que de ne pas manger de viande pour des raisons animalitaires, mais ce n’est pas un péché si le but est de se mortifier devant Dieu).
Mais la limitation (voire l’interdiction) de la chasse ne relève pas des « droits des animaux », mais du droit des hommes à s'imposer des limites ; elle ne peut ni être imaginée, ni être mise en pratique par les animaux qui en bénéficient : seuls des hommes peuvent l’imaginer, la décider et l’appliquer (c'est-à-dire se donner les moyens de surveiller les zones, espèces et époques concernées et de punir les contrevenants).
 
Conclusion
Il résulte de tout cela qu’il est parfaitement légitime pour un homme (individu) de s’interdire la consommation de viande ou la chasse, mais que celles-ci étant autorisées, il est parfaitement illégitime qu’il s'autorise à agir de façon violente contre ceux qui ne se l’interdisent pas, et totalement inepte qu’il soit autorisé par des journalistes en quête de sensations fortes à proférer dans le poste des énoncés comme « Bouchers = assassins » et « C’est un problème fondamental de justice ».



Création : 11 novembre 2020
Mise à jour :
Révision :
Auteur : Jacques Richard
Blog : Les Malheurs de Sophisme
Page : 101. Les erreurs élémentaires de l'antispécisme
Lien : https://lesmalheursdesophisme.blogspot.com/2020/11/les-erreurs-elementaires-de.html








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