Quelques remarques sur un lieu commun antispéciste
Classement : antispécisme
Un des lieux communs de la littérature médiatique sur la
question des relations homme-animaux est que, plus on fait des recherches sur
les animaux, moins on croit qu’il existe un « propre de l’homme » »,
plus il est « difficile de tracer la limite entre l’homme (l’espèce
humaine) et les animaux.
Certains tirent de ces analyses sommaires des conclusions
drastiques : l’homme « est un animal comme les autres »,
« n’est pas supérieur aux autres animaux », « n’a aucun droit
sur les animaux », notamment ceux de les élever, d’exploiter leurs
productions (laine, œufs…), de les utiliser (animaux de compagnie, chevaux de
course, chiens d’aveugle…), de les abattre pour manger leur viande.
Quelques performances animales
Les recherches sur les animaux ont établi par exemple, que
les corbeaux conceptualisent le nombre 3 (à moins que ce soit 17) et que les
chimpanzés peuvent exprimer des idées grâce à la langue des signes (enfin,
disons que un chimpanzé a réussi, au
terme de 12 ans d’apprentissage, à connaître deux ou trois signes, ou peut-être
19, et à s’en servir pour « dialoguer » avec son coach, qui est donc
loin d’avoir perdu son temps !
Ces découvertes sont tout à fait intéressantes, mais ne
constitue pas une preuve validant les « conclusions drastiques »
énoncées plus haut. Le fait que les corbeaux conceptualisent le nombre 3 ne
signifie pas qu’ils disposent d’un « trait humain », qu’ils remettraient
en cause la barrière entre l’homme et le corbeau. Cela signifie que leur
« nature de corbeau » inclut ce trait (pouvoir compter jusqu’à 3) et
que la « nature humaine » inclut le même trait. Point commun !
Il est clair depuis longtemps que les animaux sont doués
(comme l’homme) de sensibilité et qu’ils sont affectés par la souffrance ; qu’ils sont dotés d’une certaine capacité conceptuelle : tout laisse
penser qu’un chat ou un chien domestiques peuvent conceptualiser les notions de
« homme » (par opposition à « chat », « chien »),
« homme qui est mon maître », « homme qui n’est pas mon maître »
(en revanche, je ne suis pas sûr qu’ils conceptualisent la différence entre
« homme mâle » et « homme femelle ») ; même les vaches
et les poules doivent avoir dans la tête les concepts appropriés à leur
situation. Qu’en est-il des araignées et des vers de terre ? C’est plus
difficile à évaluer (mais leur sensibilité à la souffrance est certaine).
J’irai même plus loin : de même que l’homme est le
développement évolutif d’une branche des primates, rien n’empêche en théorie
qu’un processus identique commence (ou ait déjà commencé) pour une autre branche
du monde animal ; et que dans quelques centaines de milliers d’années, il
existe sur la Terre une autre espèce aussi intelligente et habile que l’homme
(mais pas interféconde). En théorie, parce que l’emprise de l’homme sur la
terre est à l’heure actuelle si forte (si violente) qu’il y a peu de place pour
le développement d’un processus évolutif extérieur à l’homme.
Quelques
performances humaines
Cela n’abolit pas la barrière intellectuelle entre l’homme et les autres
espèces animales, sans parler de de la barrière biologique (non interfécondité, qui
n’est pas une « construction sociale »). Il n’y a peut-être pas de
« propre de l’homme », mais l’homme dispose de « traits caractéristiques » par centaines ou par milliers, et il
peut pousser chacun d’eux à des niveaux inaccessibles aux animaux (par
exemple : compter jusqu’à un milliard, additionner (avec ou sans
calculette) 175 013 et 233 404, savoir que 3 et 17, ainsi que 19, sont des nombres
premiers, extraire des racines carrées (ce qui, comme l’a dit Pagnol, est plus
difficile de d’extraire les racines d’arbre), comprendre ce qu’est un
logarithme, etc. ; imaginer et exprimer des idées telles que « les
animaux ne sont en rien supérieurs aux hommes » ou « les animaux
n’ont aucun droit sur l’homme », etc., etc.).
L’homme est
supérieur aux animaux, bien qu’il ne soit pas toujours le plus « fort »
C’est un fait que « l’homme est supérieur aux
animaux » ; cela ne veut pas dire qu’un homme (individu) soit
supérieur à tout animal dans n’importe
quelle situation ; mais que l’homme (espèce) l’est (plus intelligente ;
plus habile).
Cette supériorité n’est évidemment pas morale, elle est injuste,
et peut même être funeste ; telle qu’elle est mise en pratique depuis quelques décennies, elle a
pour résultat une dégradation rapide du monde animal et du monde végétal qui
pourrait à terme être nuisible à l’homme lui-même. Cela peut être rapproché du fait que la
supériorité intellectuelle et technique d’un groupe humain par rapport à
d’autres groupes humains peut avoir des effets gravement négatifs sur ces derniers.
L’homme a tous
les droits sur les animaux, y compris le droit de limiter ses droits.
De cette supériorité, il résulte que « l’homme a tous
les droits sur les animaux » et que « les animaux n’ont aucun
droit ».
L’erreur est d’introduire de la morale ou de la
métaphysique, de dire (plaintivement ou agressivement) que « l’homme n’a
aucun droit sur les animaux » ou que « il faut respecter les droits
des animaux ». Comment pourrait-on respecter ce qui n’existe pas, en
dehors du cerveau d’un certain nombre d’activistes ? Sur quoi se fondent de telles assertions ? C’est aussi
inepte qu’un colon israélien proclamant sans rire : « Je suis ici,
j’y resterai et je mettrai le pays à feu et à sang parce que cette terre nous a
été donnée par Dieu ».
La seule chose que l’on puisse penser raisonnablement à
propos des relations entre les hommes et les animaux est que « l’homme
peut et doit s’imposer des règles dans ses relations avec les
animaux » : interdire ou limiter la consommation de viande ;
interdire ou limiter la chasse, la pêche, etc. Que ce soit pour des raisons
environnementales (c'est-à-dire pour préserver l’environnement de l’espèce
humaine) ou pour des raisons « animalitaires » (parce qu’on n’aime
pas la souffrance des animaux, du moins celle qui est infligée par des
hommes ; cela me rappelle le film de Buñuel, La Voie lactée, où est citée la décision d’un ancien concile, selon
laquelle c’est un péché que de ne pas manger de viande pour des raisons
animalitaires, mais ce n’est pas un péché si le but est de se mortifier devant
Dieu).
Mais la limitation (voire l’interdiction) de la chasse ne relève pas des « droits des animaux », mais du droit des hommes à s'imposer des limites ; elle ne peut ni être imaginée, ni
être mise en pratique par les animaux qui en bénéficient : seuls des
hommes peuvent l’imaginer, la décider et l’appliquer (c'est-à-dire se donner
les moyens de surveiller les zones, espèces et époques concernées et de punir
les contrevenants).
Conclusion
Il résulte de tout cela qu’il est parfaitement légitime
pour un homme (individu) de s’interdire la consommation de viande ou la chasse,
mais que celles-ci étant autorisées, il est parfaitement illégitime qu’il s'autorise à agir de façon violente contre ceux qui ne se l’interdisent pas, et totalement inepte
qu’il soit autorisé par des journalistes en quête de sensations fortes à
proférer dans le poste des énoncés comme « Bouchers = assassins » et
« C’est un problème fondamental de justice ».
Mise à jour :
Révision :
Auteur : Jacques Richard
Blog : Les Malheurs de Sophisme
Page : 101. Les erreurs élémentaires de l'antispécisme
Lien : https://lesmalheursdesophisme.blogspot.com/2020/11/les-erreurs-elementaires-de.html
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire