A propos
de l’écriture « inclusive » : le point médian
Classement : linguistique ; grammaire française ;
orthographe
Dans la foulée de l’affaire Weinstein, il semble que la
« parole se soit libérée » dans d’autres domaines, de façon pas
forcément aussi légitime. Notamment sur les questions de l’ « écriture
inclusive » et de la « féminisation de la langue » (un autre domaine de « libération de la parole » est celui de la soi-disant racisation de la société française).
Je commencerai par évoquer la tentative d’introduction d’un
nouveau signe d’écriture : le « point médian ».
Cette notation permet de contracter l’écriture de deux mots
proches, différenciés par les marques « masculin » et
« féminin » : par exemple « les citoyens et
citoyennes ».
La forme contractée sera donc « les
citoyen.ne.s » qui est supposée être lue « les citoyens et
citoyennes » [normalement, les points dans « citoyen.ne.s » ne
seraient pas en bas (point de phrase), mais au milieu de l’interligne. On s’en
fout].
L’usage de cette contraction est compréhensible dans
certains cas : dans les petites annonces (pour gagner de la place et payer
moins cher), sur les banderoles de manif (pour gagner de la place), dans les
SMS, si on veut (mais on peut aussi y écrire des tas de choses qui ne seront
jamais reconnues officiellement, sauf comme référence à ce type d’écrit ou pour
un effet comique : « Ma 6t va craquer »).
En revanche, cela ne paraît pas justifié dans la presse ou
le livre, ni dans la langue administrative. Les journalistes et chroniqueurs
qui l’utilisent (comme dans un récent numéro de Libération) prouvent simplement qu’ils sont très satisfaits
d’eux-mêmes en se donnant des airs de « rebelle attitude » (regardez, ce
que je suis iconoclaste, k mèm).
Evidemment, cette notation résulte d’une situation où on
avait tendance à écrire (manifs, notamment) « les citoyens » pour
désigner tout le monde (mâles et femelles) ; l’ajout de ces signes
bizarres constituait un coup de force idéologique (très minuscule, cependant) assez
marrant, qui pouvait être justifié. Il ne s’ensuit pas que cela doive devenir
une norme générale : si on veut différencier les mâles et les femelles, il
vaut mieux écrire dans les domaines d’écriture normée, « les citoyens et
citoyennes » ou « les citoyennes et citoyens » (dans les
discours, la formule est « Mesdames, Messieurs » et non pas
l’inverse. Faudrait-il écrire « Mes.dame.sieur.s ». Là où il n’y a
pas de norme, « les citoyen.ne.s » peut bien le faire !
Du reste, s’il s’agit de rendre aux femmes la place qu’elles
méritent, je ne suis pas sûr que la graphie« les citoyen.ne.s » apporte
grand-chose. En effet, c’est le radical qui est mis en valeur, or le radical évoque
plus le genre masculin, pour la simple raison qu’en français, quand la
différence lexicale existe, le mot « masculin » est presque toujours
plus court (surtout à l’écrit) que le mot « féminin » (« petit,
petite », « maçon, maçonne », « ajusteur-outilleur,
ajusteuse-outilleuse »), exception, par exemple : « cane »
et « canard », et non pas « canarde ») ; par
conséquent, le mot « masculin » est souvent plus proche du radical
que le mot « féminin ». Donc « les citoyens et citoyennes »
ou « les citoyennes et citoyens » sont des formules beaucoup plus
efficaces, et plus naturelles (cela dit indépendamment de toute idée de « déconstruction
des stéréotypes »), pour valoriser les femmes en tant que membres de la 6t.
Morceaux choisis
*Libération, 25 novembre 2017, chronique de l'écrivain Camille Laurens : « nous savons bien qu'il ne faut pas dissocier le sort des canard.e.s de celui des humain.e.s ».
Morceaux choisis
*Libération, 25 novembre 2017, chronique de l'écrivain Camille Laurens : « nous savons bien qu'il ne faut pas dissocier le sort des canard.e.s de celui des humain.e.s ».
Cette remarque est fondée sur le fait que le 25 novembre est à la fois la Journée pour l'élimination de la violence contre les femmes et la Journée mondiale anti-foie gras.
Dans sa formulation, on a l'impression que la femelle du canard est appelée « canarde » ! Problème : comment écrire inclusivement l'opposition « cane/canard » ? Can.e.ard ? Logiquement en effet, c'est l'élément le plus court (généralement le masculin, ici le féminin) qui devrait venir en premier...
Création : 30 novembre 2017
Mise à jour : 20 décembre 2017
Révision :
Auteur : Jacques Richard
Blog : Les Malheurs de Sophisme
Page : 27. L'écriture inclusive 1. le point médian
Lien : http://lesmalheursdesophisme.blogspot.fr/2017/11/lecriture-inclusive-1-le-point-median.html
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