mardi 5 mai 2020

91. La prose de Julliard ne vaut pas un liard

Quelques remarques sur un éditorial débile de Julliard et un article ignoble de Franquebalme dans Marianne


Classement :




Références
*Jacques Julliard, « Débâcle à la française », Marianne, n° 1207, 1er mai 2020, page 4
*Benoît Franquebalme, « Pourquoi Chris nous crispe », Marianne, n° 1124, 28 septembre 2018, pages 84-87.

Les auteurs
Jacques Julliard
Normalien, agrégé d’histoire, universitaire (CNRS, université de Vincennes, IEP de Bordeaux, IEP de Paris, EHESS), syndicaliste au SGEN-CFDT et membre des instances de direction de la CFDT ; éditorialiste au Nouvel Observateur ; actuellement à Marianne, où il a tendance ces temps-ci à jouer le rôle de plumitif légèrement exalté.

Benoît Franquebalme
Il s’agit d’un plumitif qui écrit de temps à autres dans Marianne, plus ou moins spécialisé dans la rubrique « Spectacles » ; auteur d’un ouvrage (dispensable) sur Gérard de Villiers.

Commentaire sur l’éditorial de Julliard
Cet éditorial m’a paru tellement nul, absurde, hors de propos et inepte que j’ai envoyé dans la foulée au courrier des lecteurs de Marianne le message suivant, intitulé « Pourquoi Julliard me crispe ? ».
Mon message à Marianne
« Ça n'assone pas aussi bien que « Pourquoi Chris nous crispe », mais l’éditorial de Julliard est aussi nul que cet article, paru il y a quelques mois, sur Christine and the Queens : ce sont deux chefs-d’œuvre de stupidité satisfaite.
Julliard n’est pas toujours aussi con, je le reconnais, mais il essaie souvent, et là, il passe les bornes.
« Personne ne se demande pourquoi avec sa Sécurité sociale, ses CHU, son CNRS, ses ARS, etc., la France compte autant de morts ».
Si je comprends bien, il reprendrait volontiers une chanson con des années 1970 : « Oublier la Sécurité Sociale, les allocations familiales…. ». Il est aussi con tre les CHU, con tre le CNRS, et il ne le dit pas, mais le cœur y est, con tre l’Université qui lui assure des revenus plutôt dodus.
Comme si la Sécurité Sociale était responsable de quoi que ce soit !
Oui, mais, comme il le disait quand il baignait dans l’idéologie libérale (car il a été néolibéral, lui aussi) « notre système social est hors de prix ». Ce qui est comique, c'est de le voir dénoncer les morts dans les EHPAD, alors que les vieux (dont il refuse de voir qu'il fait partie, d'ailleurs) sont une des causes majeure de coût du système social (avec les longues maladies, dont il convient de dénoncer la prise en charge à 100 %, qui « nous coûte un pognon de dingue »).
Il est évident que la Sécurité Sociale n’est pas faite pour gérer des crises sanitaires ; il faut être un imbécile pour croire le contraire.
La crise sanitaire exige des dépenses que ne peut pas assumer la Sécurité Sociale, des décisions qu’elle n’est pas chargée de prendre.

Julliard trouve aussi que l’État en France est un mammouth, reprenant la formule d’un autre con, pas étonnant, qui se ressemble s'assemble. 

Qu’il émigre aux États-Unis, où il n’aura pas à souffrir d’un État surprotecteur, ni d’une Sécurité Sociale impuissante (même si Biden est élu). 
Qu’il cesse de répandre sa bave et ses borborygmes dans les colonnes de Marianne. »

Analyse
1) Franquebalme et Christine and the Queens
L'article de Franquebalme que je cite est un chef d’œuvre de mauvaise foi. Il s’agit d’une « instruction exclusivement à charge » contre une chanteuse que je n’apprécie pas particulièrement, mais il se trouve que
1) j’ai connu « Chris » quand elle était « Héloïse Letissier » au collège ;
2) d’une façon générale, je ne tolère pas certains procédés merdiques de polémique, notamment l’insinuation mensongère.
Un exemple : dans un encart « Chris dans le texte » (page 86): Franquebalme fait le montage suivant
.
Telle quelle, la phrase de Christine est certes grandiloquente et on pourrait légitimement s'en moquer, mais le commentaire de Franquebalme est carrément ignoble (fait accentué par l’emploi de termes vulgaires : « Normale Sup », « profs » en contraste avec l'emploi tout à fait superfétatoire du passé simple) à moins que ce soit de la pure incompétence journalistique (aucune tentative de comprendre ce qu'elle dit, aucun « recoupement »).
En effet, dans un entretien avec Télérama, Christine avait évoqué non pas l'appartenance de ses parents (tous deux professeurs, ce qu’elle ne cachait pas) à la classe ouvrière, mais leurs origines ouvrières. Fait qui n’a rien d’étonnant, nombre de professeurs recrutés dans les années 1970 provenant de milieux « moyens ou populaires ».
Ce n’est qu’un exemple : tout l’article baigne dans une atmosphère de sordide calomnie qui laisse des doutes sur la santé mentale du rédacteur.
À l’époque, j’avais eu l’intention d’écrire à Marianne, je ne l’ai pas fait (de toute façon, ça ne sert jamais à rien). J'ai donc profité de la production inepte de Julliard pour dire quelque chose de la production inepte de Franquebalme.

2) Julliard et la crise du coronavirus
J’ai déjà parlé (en pas trop bien) de Julliard (Jacques Julliard, linguiste indigne d'être loué).
En tant qu’éditorialiste, il fait preuve sur certains sujets d’une certaine stupidité ; dans Marianne, ses éditoriaux d’il y a quelques semaines me paraissaient acceptables (sans être d’accord à 100 %, mais j'avait l’impression qu'une discussion avec l’auteur aurait été possible, ce qui n’est pas le cas si celui-ci est manifestement stupide et borné, même ponctuellement).
Julliard, éditorialiste outrancier
Depuis le début de la pandémie, j’ai retrouvé cette stupidité julliardesque (son absence m’étonnait un peu), dont l’éditorial du 1er mai est une émanation radicale. Cette stupidité apparaît par exemple, dans l’outrance des termes employés (« débâcle », « bilan indigne, catastrophique »); dans le dénigrement implicite d’institutions qui, les ARS mises à part, ne peuvent avoir aucune responsabilité dans le nombre des décès (le CNRS) ou qui au contraire sont plutôt « responsables » d’avoir empêché des décès (les CHU). En ce qui concerne la Sécurité sociale, Julliard veut certainement dire « l’assurance-maladie », puisque, conceptuellement, la Sécurité Sociale concerne aussi la vieillesse, le chômage et la famille, Mais même l’assurance-maladie (les CPAM) n’ont pas de pouvoir décisionnaire en matière médicale, elle peut accepter ou refuser de financer telle ou telle décision médicale, mais cela ne vaut que pour une période « normale », pour du moyen ou du long terme, pas pour une période de crise, où les décisions reviennent au pouvoir politique (de même qu’il n’appartenait pas aux CAM de décider si l’IVG serait remboursée ou non).

La France, le pays des sigles
Dans la phrase que je cite, Julliard accumule des sigles pour « dénoncer », « stigmatiser » un trait négatif caractéristique selon lui de « la France » (la suradministration) ; c’est un procédé de bateleur comique, pas de « penseur politique » (même pseudo-). 
Je remarque qu’il n’a pas indiqué le sigle, pourtant extrêmement « riche », de l’institution où il a travaillé le plus longtemps : l’EHESS (il a aussi travaillé au CNRS et dans divers IEP). Ça n’aurait pas été mal pour faire le poids !

« Dans le pays de Pasteur, de Claude Bernard et de Laennec » c’est indigne 
À quoi rime au juste l’idée selon laquelle la France a fait aussi mal que l’Italie, l’Espagne, le Royaume-Uni, mais « dans le pays de Pasteur, de Claude Bernard et de Laennec » c’est indigne ? 
Cela relève de la pensée magique : la France serait « le pays de la médecine d’avant-garde » (comme elle serait, magiquement, « le pays des droits de l’homme »). Je ne pense pas que les exploits des chercheurs français du XIXème siècle aient quoi que ce soit à voir avec l’évolution de la pandémie de Covid-19 en France en 2020 ; dans les cas d’épidémie majeure, le problème est d’abord politique (par exemple, pour la peste de Marseille en 1720, aucune solution médicale n’était disponible ; la solution a été politique : le confinement militaire de la Provence, puisque on n’avait pas confiné Marseille à temps).
Il est clair pour tous (surtout rétrospectivement) qu’il y a eu en janvier-février des erreurs politiques (par exemple, je suppose : ne pas bloquer les avions venant de Chine ; ne pas fermer la frontière avec l’Italie ; aller au théâtre ; le comportement de Buzyn) ; elles ne sont sans doute pas pénalement répréhensibles, elles s’expliquent par une certaine idéologie à la fois « bon enfant » et mortifère (la mondialisation), par une certaine inertie (paralysie devant le danger ; crainte des moqueries).

Conclusion
La « réflexion » de Julliard est du même ordre que celle d’imbéciles de réseaux sociaux qui disent : « Comment se fait-il qu’avec 57 % de prélèvement obligatoires, la France n’ait pas assez de masques ? ». Du reste, en arrière-plan de l’article de Julliard, cette idée de « l’excès des prélèvements obligatoires » est présente, sans aucune distance, sans aucune réflexion sur le sujet. Je ne dis pas qu’il faut toujours « augmenter les prélèvements obligatoires », mais il faut savoir de quoi on parle. Pour un soi-disant social-démocrate, proche de la CFDT, ça la fout mal !



Création : 5 mai 2020
Mise à jour :
Révision :
Auteur : Jacques Richard
Blog : Les Malheurs de Sophisme
Page : 91. La prose de Julliard ne vaut pas un liard
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