Quelques remarques sur un réflexe pavlovien de la presse « de gauche »
Classement : école ; inégalités sociale ; Bourdieu
Référence
*Juliette
Bénabent, « Les élèves fragiles décrochent, leurs profs
s’accrochent », Télérama, n°
3668, 29 avril 2020, page 12
L’auteur
Juliette
Bénabent est rédactrice à Télérama.
Texte
« Les élèves
fragiles décrochent, leurs profs s’accrochent »
« "Les portes de l’école se sont fermées sur une
institution qui va mal, avec des enseignants épuisés et certains élèves de plus
en plus éloignés de la culture scolaire", rappelle Gabrielle, professeure
de français dans un collège d’éducation prioritaire. "L’école est un miroir des inégalités.
Cette banalité saute aux yeux aujourd'hui : les élèves favorisés s’approprient l’enseignement à distance,
tandis que d’autres disparaissent des radars. On a affaire à deux mondes
totalement distincts." »
Analyse et commentaire
Il s’agit pour l’essentiel d’une citation, de paroles
prononcées par une professeure, mais cela cadre parfaitement avec ce qu’on
pourrait appeler « idéologie bourdivine » caractéristique de Télérama
et de nombreux médias « de gauche ».
To work or not to work
To work or not to work
Une analyse un peu cynique pourrait conduire à dire que
ceux « qui disparaissent des radars » sont, non pas « les élèves
fragiles », mais ceux qui n’en foutent pas une à l’école, ceux qui traitent
d’autres élèves de « bouffons » parce que ceux-ci se comportent comme
des élèves corrects. Il est donc normal qu’ils en fassent encore moins (si
c’est possible ; en fait, ils perturbent moins le travail des autres) dans
un moment où la surveillance scolaire se relâche, où elle incombe entièrement
aux parents. De même qu’il est normal que les élèves qui « travaillent
bien » à l’école, continuent de « travailler bien » à la maison,
parce qu’ils ne considèrent pas l’école exclusivement comme une privation de
liberté.
Des élèves favorisés et des élèves fragiles ?
Des élèves favorisés et des élèves fragiles ?
Ces élèves-ci, « Gabrielle » et Télérama les
appellent « favorisés ». « Favorisé » est en fait un
synonyme de « qui travaille à l’école » ; mais c'est aussi un terme péjoratif, parce qu’il renvoie à une notion
sociologique, l’origine familiale de
l’élève. Il travaille bien, mais c’est parce qu’« il a de la
chance : sa mère est prof » (graffiti à la Faculté des Lettres de
Nantes en 2019) ; apparemment, durant leur grossesse, les professeures
nourrissent leurs fœtus non seulement d’aliments matériels riches, mais aussi
de leur immense culture (trop cool). Quid de ceux dont seulement « le père
est prof » ?
Remarquer aussi la formule : « les élèves favorisés s’approprient l’enseignement à distance » qui peut aussi vouloir dire qu’ils le confisquent, qu’ils empêchent les « élèves fragiles » d’y accéder. Salauds de fils de profs et de cadres !
Origine sociale et réussite scolaire
Remarquer aussi la formule : « les élèves favorisés s’approprient l’enseignement à distance » qui peut aussi vouloir dire qu’ils le confisquent, qu’ils empêchent les « élèves fragiles » d’y accéder. Salauds de fils de profs et de cadres !
Origine sociale et réussite scolaire
Cette conception n’est pas totalement absurde dans le sens où il existe une relation entre « origine sociale » et « réussite
scolaire » (pas un « déterminisme »), mais la mise
systématique en avant de cette relation par des procédés rhétoriques divers
aboutit à l’occultation du fait que la réussite scolaire exige (hic et nunc) un
minimum de travail (wooo, l’bouffon !). En présentant les élèves qui ne
foutent rien comme « fragiles », Télérama
occulte aussi cela, laissant croire que tous les élèves ont une égale
« soif de savoir ». Bien sûr, il faut tenir compte de cette relation,
mais la profération de lieux communs n’aide pas à la résolution des problèmes.
Ainsi « l’école est le miroir des inégalités », formule qui n’a
strictement aucun sens, dont « Gabrielle » perçoit d’ailleurs la
« banalité », mais qu’elle utilise tout de même.
L'école est-elle un miroir qu'on promène le long du chemin ?
Formulation curieuse pour une « professeure
de français » : « L’école est un miroir des inégalités. Cette
banalité saute aux yeux aujourd'hui ». Elle ne veut pas dire « la
banalité de ma formule saute aux yeux » mais « le fait évoqué par ma
formule banale est vérifié aujourd'hui de façon évidente ».
En tout état de cause, je ne comprends pas la métaphore du
miroir, appliquée au système scolaire. En fait, ce sont les résultats scolaires
qui « reflètent » les inégalités, pas
« l’école » (de même que si je plante un clou de travers,
c’est le résultat de l’opération qui « reflète » ma maladresse, pas
le marteau !).
Création : 6 mai 2020
Mise à jour :
Révision :
Auteur : Jacques Richard
Blog : Les Malheurs de Sophisme
Page : 92. Rhétorique bourdivine dans Télérama
Lien : https://lesmalheursdesophisme.blogspot.com/2020/05/rhetorique-bourdivine-dans-telerama.html
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