Quelques remarques (caustiques) à propos d'une enquête de la revue Esprit sur l’antiracisme des jeunes, dont on peut se demander s'ils en ont (de l'esprit !)
Classement : antiracisme ; Anne Lafont ; revue Esprit
Référence
*Rosetta M’Bake, « Des jeunes contre le racisme », Esprit n° 469, novembre 2020, pages 53-65
Présentation : le questionnaire
Il s’agit d’une « enquête coordonnée par Rosetta M’Bake » auprès de six jeunes antiracistes, menée de façon sans doute non simultanée. Une série de questions réparties en six groupes est proposée aux intéressés :
1) « Qu’est-ce que le racisme ? Et l’antiracisme ? Le racisme fait-il mal ? Croyez-vous que les États-Unis sont un pays moins ou plus raciste que la France ? Pourquoi ? »
2) « Êtes-vous également engagé-es dans d’autres causes ? Pourquoi l’antiracisme a-t-il été un mouvement international au printemps 2020 ?
3) « Dans quelle mesure avez-vous eu le sentiment que le contrat social, tant vanté, et fondé sur l’égalité des chances, se rompait et qu’il n’était plus possible d’y croire ? »
4) « Quelle figure passée ou contemporaine vous inspire le plus ? »
5) « Quelles formes d’engagement vous semblent les pus efficaces : celles, traditionnelles, du parti politique ou de l’association, ou bien, depuis Act Up, des performances éphémères et spectaculaires, comme la marche des fiertés ou encore les mobilisations avec signatures gestuelles (genou à terre, poing levé) qui relèvent de formes esthétiques ? »
6) « Comment envisagez-vous l’art dans votre engagement ? La création et les formes artistiques sont-elles des formes de résistance au racisme ? »
Qui est Rosetta M’Bake ?
Une première dans l’histoire du journalisme : quand on arrive à la fin de l’article, on trouve la signature Rosetta M’Bake, assortie d'une note qui indique que :
« C’est le pseudonyme d’une des membres du comité de rédaction de la revue Esprit. Elle a opté pour cette signature cryptée en résonance avec le choix de certains de ses interviewés, qui partagent avec elle un même marqueur social, celui de ne pas appartenir, physiquement à tout le moins, au groupe majoritaire. En effet, alors que tous les jeunes gens s’étaient vus offrir la possibilité de dissimuler leur identité, Yasmina A., Antoine Bourbon et Ife Melu ont été les seuls à s’en servir. Ce n’est pas anodin. La plupart du temps, Rosetta M’Bake est Anne Lafont. ».
Là, j’avoue que les bras m’en sont tombés. Donc « Anne Lafont » (« la plupart du temps ») a choisi une « signature cryptée », mais qui est immédiatement éventée, car l’objectif est sans doute de faire savoir (de façon extrêmement subtile, on pourrait dire précieuse au sens de Molière) au lectorat d’Esprit que Mlle Lafont n’est pas « blanche » : elle « n'appartient pas, physiquement … au groupe majoritaire » ; elle partage avec certains interviewés un « marqueur social » : la couleur de la peau (c’est plutôt « physique » que « social » d'où « à tout le moins », mais l'ineptie est tout de même maintenue !).
Cette « Anne Lafont » est en fait une employée de l’EHESS ; cependant, elle n'y fait probablement pas le ménage, puisqu’elle serait (selon des sources Google) « historienne de l’art ».
L’opération « pseudonyme »
« Tous les jeunes gens s’étaient vus offrir la possibilité de dissimuler leur identité », mais seulement trois l’ont fait. La rédaction, à moins que ce soit Rosetta Lafont, nous indique que « ce n’est pas anodin ».
Que signifie cette phrase ? Qu’est-ce qui n’est pas anodin ? Que « trois l’aient fait » ou que « seulement trois l’aient fait » ? Syntaxiquement, la seconde solution paraît correcte, mais ça n’a pas grand sens. C’est donc le premier sens qui est censé être considéré comme sensé, malgré l’atteinte à la logique.
On peut donc supposer que, vu les pseudonymes utilisés, ces trois personnes ont le même « marqueur social » qu’Anne M’Bake ; donc, ce qui ne serait pas anodin (du point de vue d'Esprit), c’est que les antiracistes non blancs se sentiraient menacés, alors que les antiracistes blancs pas du tout (une nouvelle preuve du « privilège blanc »).
Comprenne qui pourra ! Je n’ai pas l’esprit suffisamment agile pour décrypter cette opération intellectuelle de haut niveau.
Les protagonistes
Je donne ici les indications fournies en note.
(sous pseudo)
*Yasmina A. : noire, musulmane
*Antoine Bourbon : élève de l’ENS Ulm
*Ife Melu : « Française des Caraïbes » (c'est-à-dire, probablement, des Antilles) ; 34 ans ; à Paris depuis 2010 ; précédemment assistante sociale, aujourd'hui doctorant en sociologie
(sans pseudo)
*Maël Bailly : musicien, compositeur, étudiant du Conservatoire ; grands-parents maternels algériens ; militant LO ; membre du collectif La Crécelle
*Cosima Degioanni : « jeune femme blanche », elle a été scolarisé « dans le Marais », puis « dans le Val-de-Marne » (!) ; fait un master à l’EHESS sur « l’engagement antiraciste chez les jeunes personne blanches »
*Paul Tommasi : 28 ans ; responsable d’une revue en ligne, Dièses, luttant contre les discriminations
Remarques
On remarque l’utilisation ostentatoire des normes les plus contemporaines en matière d'orthographe (écriture inclusive) et de vocabulaire branché (vocabulaire racialiste du néo-antiracisme) dans une revue qui semble prise dans une dérive qui l'entraîne hors de sa tradition humaniste (peut-être illusoire) qu'on lui prête volontiers..
Analyse et commentaire des interventions des jeunes antiracistes
À venir
14 mars 2023 : je n'ai rien à retirer de cette page ; j'avais acheté ce numéro, comme d'autres précédemment, je 'ai plus jamais acheté Esprit, ni lu gratuitement dans une bibliothèque, ni feuilleté dans chez un marchand de journaux. La complaisance néo-antiraciste de ce numéro était tout simplement vomitive.
Création : 5 décembre 2020
Mise à jour : 14 mars 2023
Révision : 14 mars 2023
Auteur : Jacques Richard
Blog : Les Malheurs de Sophisme
Page : 111. Les « jeunes antiracistes » d’Esprit en ont-ils ?
Lien : https://lesmalheursdesophisme.blogspot.com/2020/12/les-jeunes-antiracistes-ont-de-lesprit.html
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire