A propos de l'affaire de l'arbitre roumain lors du match PSG-Basaksehir
Classement : antiracisme spectaculaire
Référence
*Le grand face à face, France Inter, 12 décembre 2020, à propos de l’affaire du match PSG-Basaksehir du 9 décembre à Paris [cette émission d'Ali Baddou réunit chaque semaine Natacha Polony et Gilles Finchelstein, ainsi qu'un invité politique qui intervient dans la seconde demie heure]
L'affaire
Un arbitre de second rang, de nationalité roumaine (comme les autres arbitres) a dit à un collègue en parlant d’un membre noir du staff de l’équipe turque : « Identifie qui est le Noir, là ». Mais comme il parait en roumain, il a utilisé le mot « negru », qu’un autre protagoniste a interprété comme « negro », « nègre ». Estimant qu’il n’avait pas proféré d’insulte, l’arbitre a refusé de présenter des excuses (en revanche, selon un professionnel de la profession, il aurait pu s'excuser de ne pas connaître le nom de quelqu'un qui était un protagoniste du match).
Suite à un épisode d’indignation collective, les deux équipes ont décidé de suspendre le match, qui a finalement été joué le lendemain.
L’émission
Cette affaire étant venue en discussion, Natacha Polony essaie de minimiser la faute de l’arbitre, mais elle pense tout de même qu’il a été « raciste ». Gilles Finchelstein, lui, estime qu’il n’a pas d’excuse. Tous approuvent la « saine réaction » des joueurs et développent sur le racisme des tribunes, qui relève d'un autre sujet, à mon avis.
Je leur ai donc adressé le message suivant (via la messagerie de France Inter, Relations auditeurs :
Message
« À l'attention de M. Ali Baddou, Mme Polony, M. Finchelstein
Professeur dans un collège de la banlieue de Nantes où il y avait quelques élèves noirs (ou faut-il dire "de couleur" ?), mais très peu, je me souviens avoir entendu un élève délégué de classe parlant en classe aux autres élèves : « Il faut vous adresser à X » et sentant que tout le monde ne savait pas qui était X, qui était d’une autre classe, il a ajouté « c’est le Black ! ».
Personne n'a catalogué cela comme "raciste" : tout le monde a compris qu’il donnait une indication caractéristique.
Est-il dès lors raciste de dire « le Noir », mais pas de dire « le Black » ?
Si je me trouvais en Afrique « noire » (ou faut-il dire "subsaharienne" ?), dans une foule, je ne verrais pas de racisme à ce que quelqu'un (sans s'adresser à moi) me désigne comme « le Blanc, là » : a priori, c'est un moyen de repérage (c'est la suite qui peut dire s'il y avait du racisme dans cette formule).
Pour ma part et jusqu'à plus ample informé, je ne peux donc pas considérer que l'arbitre roumain désignant (sans s'adresser à lui) un collègue ou un joueur comme « le Noir, là » ait proféré ipso facto une parole raciste.
En revanche, je trouve effarant le fait que les joueurs aient cru bon d'exercer un « droit de retrait ». Il ne leur a pas suffi de manifester leur mécontentement (peut-être justifié, peut-être pas) à l'intéressé ; je suppose que celui-ci aurait compris la leçon.
Non, ils se sont retirés, comme s'ils étaient face à une menace (se sont-ils brusquement identifiés à Samuel Paty ?) ! Qu'est-ce qu'un monde où des gens se sentent gravement menacés par une simple parole, fût-elle raciste (même en supposant que l'arbitre ait dit, volontairement et sciemment, « nègre ») ?
Il ne leur suffisait pas de déférer le « criminel » (le présumé coupable) devant les instances de l’UEFA ? De demander qu’il soit incarcéré jusqu’à son jugement ?
Ces sportifs payés des sommes mirobolantes ont arrêté le travail pour une raison aussi futile ?
Et ils trouvent des journalistes et des commentateurs pour trouver ça admiraaaable !
Des joueurs si délicats qu'ils n'ont jamais réagi de cette façon quand tel ou tel joueur était réellement insulté, assimilé à divers animaux par des supporters !
On dirait qu'ils sont contents d'avoir tout d’un coup trouvé un coupable dont le principal crime aux yeux de ces glorieux sportifs est qu’ils n’ont absolument rien à redouter de lui : c’est un arbitre [à mort l'arbitre], c’est un Roumain [c'est quoi Roumain ?], c’est tout seul [contre 22]. Tout ça n'est pas aussi beau que vous voulez le croire. »
Commentaires
Ça commence par « les réseaux sociaux sur le stade » : vous captez un mot (que vous ne comprenez pas vraiment, mais qui ressemble à un mot dont vous savez qu’il est très grave, extrêmement grave, à la limite y’a pas plus grave), vous vous indignez, vous dénoncez, vous rameutez vos potes, vous vous mettez à 22 contre un ; à ce moment, vous revenez dans le monde réel, vous vous apercevez que vous ne pouvez quand même pas tuer le coupable, mais ça vous fout le moral dans les chaussettes, vous ne pouvez tout de même pas continuer de jouer à la baballe quand des faits aussi graves se sont produits ! Vous débrayez, ce qui vous permet d’attirer l’attention du monde entier sur l’insécurité qui règne dans les stades, qui ne sont pas des safe spaces. et où on risque à chaque instant de subir des micro-agressions !
Il y a quelque chose de grotesque dans la disproportion entre ce qui a été dit et la réaction des joueurs (cf. Pour un oui pour un non). Même si l’arbitre avait dit quelque chose qui méritait une sanction (par exemple « nègre »), est-ce qu’un arrêt de 5 minutes n’aurait pas largement suffi ? Mais ils n'était pas possible qu'ils continuassent à jouer, ces grands sentimentaux, avec un arbitre en qui ils n’avaient plus aucune confiance…
Création : 13 décembre 2020
Mise à jour :
Révision :
Auteur : Jacques Richard
Blog : Les Malheurs de Sophisme
Page : 116. À mort l'arbitre (pour un oui, pour un non) !
Lien : https://lesmalheursdesophisme.blogspot.com/2020/12/a-mort-larbitre-pour-un-oui-pour-un-non.html