Classement : islam ; critique de l'islam
Fin janvier 2016, une tribune de l’écrivain algérien,
consacrée aux événements de Cologne (31 décembre 2015-1° janvier 2016). Ces
événements font l’objet d’une polémique, en France comme en Allemagne et dans d’autres
pays ; la tribune de Kamel Daoud (algérien laïc vivant et écrivant en Algérie)
va faire l’objet d’une polémique spécifique, à travers la réponse, parue quelques
jours après, de plusieurs intellectuels qui l’accusent entre autres d’islamophobie,.
Je reproduis ci-dessous le texte de Kamel Daoud
publié par Le Monde (une version italienne avait été publiée auparavant dans La
Repubblica).
Référence
*Kamel
Daoud, « Cologne, lieu de fantasmes », Le Monde, 31 janvier 2016,
disponible en ligne (lien)
Texte
En gras : les phrases ou parties de phrases qui
feront l’objet de commentaires.
« Cologne,
lieu de fantasmes
Que s’est-il passé à Cologne la nuit de la
Saint-Sylvestre ? On peine à le savoir avec exactitude en lisant les comptes
rendus, mais on sait – au moins – ce qui
s’est passé dans les têtes. Celle des agresseurs, peut-être ; celle des
Occidentaux, sûrement.
Fascinant résumé des jeux de fantasmes. Le « fait »
en lui-même correspond on ne peut mieux au jeu d’images que l’Occidental se
fait de l’« autre », le réfugié-immigré : angélisme, terreur, réactivation des
peurs d’invasions barbares anciennes et base du binôme barbare-civilisé. Des immigrés accueillis s’attaquent à « nos
» femmes, les agressent et les violent.
Cela
correspond à l’idée que la droite et l’extrême droite ont toujours construite
dans les discours contre l’accueil des réfugiés. Ces derniers sont assimilés
aux agresseurs, même si l’on ne le sait pas encore avec certitude. Les
coupables sont-ils des immigrés installés depuis longtemps ? Des réfugiés
récents ? Des organisations criminelles ou de simples hooligans ? On n’attendra
pas la réponse pour, déjà, délirer avec cohérence. Le « fait » a déjà réactivé
le discours sur « doit-on accueillir ou s’enfermer ? » face à la misère du
monde. Le fantasme n’a pas attendu les faits.
Le rapport à la femme
Angélisme aussi ? Oui. L’accueil du réfugié, du
demandeur d’asile qui fuit l’organisation Etat islamique ou les guerres
récentes pèche en Occident par une surdose de naïveté : on voit, dans le réfugié, son statut, pas sa culture ; il est la
victime qui recueille la projection de l’Occidental ou son sentiment de devoir
humaniste ou de culpabilité. On voit le survivant et on oublie que le
réfugié vient d’un piège culturel que résume surtout son rapport à Dieu et à la
femme.
En
Occident, le réfugié ou l’immigré sauvera son corps mais ne va pas négocier sa
culture avec autant de facilité, et cela, on l’oublie avec dédain. Sa culture
est ce qui lui reste face au déracinement et au choc des nouvelles terres. Le
rapport à la femme, fondamental pour la modernité de l’Occident, lui restera
parfois incompréhensible pendant longtemps lorsqu’on parle de l’homme lambda.
Il va donc en négocier les termes par peur, par
compromis ou par volonté de garder « sa culture », mais cela changera très,
très lentement. Il suffit de rien, du retour du grégaire ou d’un échec affectif
pour que cela revienne avec la douleur. Les adoptions collectives ont ceci de
naïf qu’elles se limitent à la bureaucratie et se dédouanent par la charité.
Le réfugié est-il donc « sauvage » ? Non. Juste
différent, et il ne suffit pas d’accueillir en donnant des papiers et un foyer
collectif pour s’acquitter. Il faut offrir l’asile au corps mais aussi
convaincre l’âme de changer. L’Autre vient de ce vaste univers douloureux et
affreux que sont la misère sexuelle dans le monde arabo-musulman, le rapport
malade à la femme, au corps et au désir. L’accueillir n’est pas le guérir.
Le
rapport à la femme est le nœud gordien, le second dans le monde d’Allah. La
femme est niée, refusée, tuée, voilée, enfermée ou possédée. Cela dénote un
rapport trouble à l’imaginaire, au désir de vivre, à la création et à la
liberté. La femme est le reflet de la vie que l’on ne veut pas admettre. Elle
est l’incarnation du désir nécessaire et est donc coupable d’un crime affreux :
la vie.
C’est
une conviction partagée qui devient très visible chez l’islamiste par exemple.
L’islamiste n’aime pas la vie. Pour lui, il s’agit d’une perte de temps avant
l’éternité, d’une tentation, d’une fécondation inutile, d’un éloignement de
Dieu et du ciel et d’un retard sur le rendez-vous de l’éternité. La vie est le
produit d’une désobéissance et cette désobéissance est le produit d’une femme.
L’islamiste
en veut à celle qui donne la vie, perpétue l’épreuve et qui l’a éloigné du
paradis par un murmure malsain et qui incarne la distance entre lui et Dieu. La
femme étant donneuse de vie et la vie étant perte de temps, la femme devient la
perte de l’âme. L’islamiste est tout aussi angoissé par la femme parce qu’elle
lui rappelle son corps à elle et son corps à lui.
La liberté que le réfugié désire mais n’assume pas
Le corps de la femme est le lieu public de la
culture : il appartient à tous, pas à elle. Ecrit il y a quelques années à
propos de la femme dans le monde dit arabe : « A qui appartient le corps d’une
femme ? A sa nation, sa famille, son mari, son frère aîné, son quartier, les
enfants de son quartier, son père et à l’Etat, la rue, ses ancêtres, sa culture
nationale, ses interdits. A tous et à tout le monde, sauf à elle-même. Le corps
de la femme est le lieu où elle perd sa possession et son identité. Dans son
corps, la femme erre en invitée, soumise à la loi qui la possède et la
dépossède d’elle-même, gardienne des valeurs des autres que les autres ne
veulent pas endosser par [pour] leurs corps à eux. Le corps de la femme est son
fardeau qu’elle porte sur son dos. Elle doit y défendre les frontières de tous,
sauf les siennes. Elle joue l’honneur de tous, sauf le sien qui n’est pas à
elle. Elle l’emporte donc comme un vêtement de tous, qui lui interdit d’être
nue parce que cela suppose la mise à nu de l’autre et de son regard. »
Une femme est femme pour tous, sauf pour elle-même.
Son corps est un bien vacant pour tous et sa « malvie » à elle seule. Elle erre
comme dans un bien d’autrui, un mal à elle seule. Elle ne peut pas y toucher
sans se dévoiler, ni l’aimer sans passer par tous les autres de son monde, ni
le partager sans l’émietter entre dix mille lois. Quand elle le dénude, elle
expose le reste du monde et se retrouve attaquée parce qu’elle a mis à nu le
monde et pas sa poitrine. Elle est enjeu, mais sans elle ; sacralité, mais sans
respect de sa personne ; honneur pour tous, sauf le sien ; désir de tous, mais
sans désir à elle. Le lieu où tous se rencontrent, mais en l’excluant elle.
Passage de la vie qui lui interdit sa vie à elle.
C’est cette liberté que le réfugié, l’immigré, veut,
désire mais n’assume pas. L’Occident est vu à travers le corps de la femme : la
liberté de la femme est vue à travers la catégorie religieuse de la licence ou
de la « vertu ». Le corps de la femme est vu non comme le lieu même de la
liberté essentielle comme valeur en Occident, mais comme une décadence : on
veut alors le réduire à la possession, ou au crime à « voiler ».
La liberté de la femme en Occident n’est pas vue
comme la raison de sa suprématie mais comme un caprice de son culte de la
liberté. A Cologne, l’Occident (celui de bonne foi) réagit parce qu’on a touché
à « l’essence » de sa modernité, là où l’agresseur n’a vu qu’un divertissement,
un excès d’une nuit de fête et d’alcool peut-être.
Cologne, lieu des fantasmes donc. Ceux travaillés
des extrêmes droites qui crient à l’invasion barbare et ceux des agresseurs qui
veulent le corps nu car c’est un corps « public » qui n’est propriété de
personne. On n’a pas attendu d’identifier les coupables, parce que cela est à
peine important dans les jeux d’images et de clichés. De l’autre côté, on ne
comprend pas encore que l’asile n’est pas seulement avoir des « papiers » mais
accepter le contrat social d’une modernité.
Le problème des « valeurs »
Le sexe est la plus grande misère dans le « monde
d’Allah ». A tel point qu’il a donné naissance à ce porno-islamisme dont font
discours les prêcheurs islamistes pour recruter leurs « fidèles » : descriptions
d’un paradis plus proche du bordel que de la récompense pour gens pieux,
fantasme des vierges pour les kamikazes, chasse aux corps dans les espaces
publics, puritanisme des dictatures, voile et burka.
L’islamisme est un attentat contre le désir. Et ce
désir ira, parfois, exploser en terre d’Occident, là où la liberté est si
insolente. Car « chez nous », il n’a d’issue qu’après la mort et le jugement
dernier. Un sursis qui fabrique du
vivant un zombie, ou un kamikaze qui rêve de confondre la mort et l’orgasme, ou
un frustré qui rêve d’aller en Europe pour échapper, dans l’errance, au piège
social de sa lâcheté : je veux connaître une femme mais je refuse que ma sœur
connaisse l’amour avec un homme.
Retour à la question de fond : Cologne est-il le signe
qu’il faut fermer les portes ou fermer les yeux ? Ni l’une ni l’autre solution.
Fermer les portes conduira, un jour ou l’autre, à tirer par les fenêtres, et
cela est un crime contre l’humanité.
Mais fermer les yeux sur le long travail d’accueil
et d’aide, et ce que cela signifie comme travail sur soi et sur les autres, est
aussi un angélisme qui va tuer. Les réfugiés et les immigrés ne sont pas
réductibles à la minorité d’une délinquance, mais cela pose le problème des «
valeurs » à partager, à imposer, à défendre et à faire comprendre. Cela pose le
problème de la responsabilité après l’accueil et qu’il faut assumer. »
A venir
*Analyse
de la tribune de Kamel Daoud
*Texte de
la tribune contre Kamel Daoud
*Analyse
de la tribune contre Kamel Daoud
*Présentation
des auteurs de la tribune contre Kamel Daoud
Création : 18 juin 2018
Mise à jour :
Révision :
Auteur : Jacques Richard
Blog : Les Malheurs de Sophisme
Page : 38. L'affaire Kamel Daoud : la tribune de Kamel Daoud
Lien : http://lesmalheursdesophisme.blogspot.com/2018/06/laffaire-kamel-daoud-la-tribune-de.html
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