dimanche 4 septembre 2016

3 Olivier Postel-Vinay, Bourdieu et les élites



Classement : Bourdieusisme médiatique


Dans sa récente (1° septembre 2016) tribune de Libération, OPV fait la promotion de la sélection méritocratique à l'Université, victime (selon lui) d'une démagogique ouverture à tous les bacheliers, signalant au passage que "les élites, pour assurer leur reproduction, misent sur sur le système hyper-sélectif des grandes écoles".

Cela nous apprend deux choses sur OPV : 
1) il ne se considère pas comme faisant partie des élites ;
2) il croit intelligent, pour dénoncer ces "élites" dont il ne fait pas partie, de faire allusion aux théories de Pierre Bourdieu.

Sur le premier point, on se demande à quelle couche sociale appartient le directeur d'une publication portant le titre de Books (Livres, pour dire les choses simplement) ; mais peut-être se considère-t-il en fait comme membre d'une élite de niveau mondial et est-ce à ce titre qu'il critique les élites françaises (provinciales)...
Sur le second, on peut d'abord se demander ce que signifie le terme "miser" dans ce contexte ; cette référence au monde du pari (miser sur le mauvais cheval) est particulièrement inepte à propos d'un système (les grandes écoles) où le hasard a peu de place dans la réussite (bien qu'il en ait sans doute une à la marge). 
Et puis, en réalité, les "grandes écoles" ne jouent pas un si grand rôle que cela pour la "reproduction des élites" (en revanche, elles en jouent un dans leur structuration, à travers les réseaux dont elles sont le fondement). Les "grandes écoles" ne sont que de la poudre aux yeux pour les élites, et le fondement de leur reproduction, c'est 1) le pognon 2) les liens familiaux 3) les liens personnels. Le passage par les "grandes écoles" (Ernest-Antoine Seillière, par exemple) n'est qu'un ornement supplémentaire, une amusette, une marque de condescendance envers le bon peuple...
Mais, bien entendu, pour OPV, spécialiste du lieu commun mystificateur, il est important de faire croire que le facteur secondaire est plus important que les facteurs principaux.

Ajout
En fait, c'est un peu plus compliqué ; l'accès aux très grandes écoles est une épreuve pénible pour les individus qui s'y essaient, quels que soient la fortune familiale et le soi-disant "capital culturel" ; cela constitue une sorte de "contrainte méritocratique" qui va à l'encontre d'une tendance aristocratique à la nonchalance scolaire (opposition ancienne entre l'homme de goût et le pédant de collège). L'investissement des grandes écoles par les enfants de familles de la classe dirigeante indique de leur part une acceptation de la démocratie scolaire : mais le résultat de cette "démocratisation" est l'éviction de candidats issus de familles moins favorisées, de sorte que le recrutement paraît actuellement moins démocratique qu'il y a une quarantaine d'années (il y a sans doute d'autres raisons).
Mais cela ne remet pas en cause le fait que l'analyse d'OPV est superficielle.




Création : 4 septembre 2016
Mise à jour : 22 septembre 2020
Révision : 22 septembre 2020
Auteur : Jacques Richard
Blog : Les Malheurs de Sophisme
Page : 3 Olivier Postel-Vinay, Bourdieu et les élites
Lien : http://lesmalheursdesophisme.blogspot.fr/2016/09/3-olivier-postel-vinay-bourdieu-et-les.html








samedi 3 septembre 2016

2 La jeune musulmane et la science



Classement : l'islam entre tradition et modernité


Dans un article récent (dont je n'ai pas la référence, peut-être un OBS d'avril, mai ou juin 2016), était évoqué le cas d’une jeune musulmane scolarisée en Terminale S, qui déclarait : « La théorie de l’évolution ? Bah, ce n’est qu’une théorie… ».
Sous entendu : ça n’a donc pas plus de valeur que la théorie musulmane sur le sujet des origines de l’espèce humaine.
Libre à elle de « penser » cela, mais quand on parle de « théorie de l’évolution », il s’agit non pas d’une « simple supposition », mais de l’ « interprétation méthodique d’un certain nombre de faits », tels que l’existence de tels et tels fossiles, etc. etc. (il y en a beaucoup).
La théorie de l’évolution, ce n’est pas une simple phrase : « L’homme descend du singe », à laquelle on pourrait opposer une autre phrase : « L’homme a été créé par Allah ».
Phrase dont la seule caution est d’être supposément d’origine divine.

Conclusion
Le fait que cette jeune musulmane soit en Terminale S ne prouve en rien qu’elle soit le moins du monde scientifique (pas plus que les ingénieurs djihadistes du 11 septembre ne l'étaient). On la qualifierait plus volontiers comme une imbécile heureuse...
Sa déclaration montre en revanche l'anachronisme intellectuel de l'islam mainstream, qui contrairement au christianisme (à une bonne partie du moins), refuse encore de prendre en compte un certain nombre d'avancées réalisées depuis la fin de l'Antiquité...



Création : 3 septembre 2016
Mise à jour : 22 septembre 2020
Révision : 22 septembre 2020
Auteur : Jacques Richard
Blog : Les Malheurs de Sophisme
Page : 2 La jeune musulmane et la science
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jeudi 1 septembre 2016

1 Histoire, Europe, islam



Classement : l'islam, entre tradition et modernité


Salaam aleïkoum !
Dans le Monde diplomatique d'août 2016, Mrs. Dérens et Geslin, spécialistes des Balkans, écrivent à propos du Plus vieil islam d'Europe : « Victor Orban affirmait : "L'islam n'a rien à voir avec l'Europe." [...] Il s'est attiré une verte réponse du chef de la communauté islamique de Bosnie-Herzégovine. Le reis-ul-ulema Husein Kavazavic lui a rappelé que le judaïsme et le christianisme étaient également nés hors d'Europe. »
C'est malheureusement un petit sophisme, au moins en ce qui concerne le christianisme qui, certes originaire de Palestine, est surtout né dans l'Empire romain, dont l'Europe actuelle est un lointain avatar : le christianisme est véritablement né lorsque les chrétiens ont décidé de rompre avec le judaïsme (abandon de la circoncision) et de quitter la Palestine ; politiquement, l'histoire du christianisme a été très tôt liée à à l'histoire de l'Empire romain en général, plus particulièrement à celle de Rome, dès la première génération (Pierre évêque de la Ville) ; intellectuellement, il a été très tôt lié avec la pensée grecque de l'Antiquité, autre source de la pensée européenne.
Bien entendu, le point de vue d'Orban  ne reflétait que son ignorance et son racisme religieux ; mais cela n'oblige pas a cautionner comme parole d'évangile le point de vue simpliste d'un dignitaire musulman, fût-il reis-ul-ulema !

Compléments 
Vu d'aujourd'hui, il apparaît que le christianisme « européen », c'est celui de l'Empire romain d'Occident, qui fut longtemps en position d'infériorité face au christianisme de l'Empire d'Orient, mais  le christianisme d'Occident, à travers les phases et épreuves du christianisme médiéval (aristotélicien), de la lutte entre la Papauté et l'Empire, de la Renaissance, de la Réforme, de la Modernité scientifique et politique, de la déchristianisation, de la laïcisation, est effectivement une composante de l'Europe actuelle. alors que le christianisme d'Orient, devenu christianisme orthodoxe, a sombré dans l'absence de réflexion intellectuelle, l'inféodation au pouvoir politique et le repli sur des routines « médiévales », de sorte que l'« européanité » des pays de religion orthodoxe est sujette à caution (bien sûr, les individus qui y vivent peuvent être pleinement européens...).
Par là, il se rapproche de l'islam, qui à une époque lointaine, a été en connexion avec la pensée gréco-romaine, mais qui, par ses dérives hanbalite, puis wahabbite, a sombré dans une bien pire régression intellectuelle, dont le djihadisme actuel est la pointe la plus sauvage et le port du burkini l'aspect le plus grotesque.
Donc, malgré le reis-ul-ulema Kavazavic, malgré les musulmans des Balkans, malgré le Monde diplomatique, j'aurais tendance à penser que l'islam actuel a peu de chose à voir avec la civilisation européenne actuelle (en revanche, il a beaucoup à voir avec la civilisation européenne médiévale, dans laquelle le christianisme s'est illustré par les campagnes de conversion militaire (sous Charlemagne, par exemple), puis les croisades. 



Création : 1° septembre 2016

Mise à jour : 29 mars 2017
Révision : 22 septembre 2020
Auteur : Jacques Richard
Blog : Les Malheurs de Sophisme
Page : 1 Histoire, Europe, islam
Lien : http://lesmalheursdesophisme.blogspot.fr/2016/09/histoire-et-islam.html