Classement :
islam ; islamisme ; critique de l'islam
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Introduction
Fin janvier 2016, une tribune de l’écrivain algérien,
consacrée aux événements de Cologne (31 décembre 2015-1° janvier 2016). Ces
événements font l’objet d’une polémique, en France comme en Allemagne et dans
d’autres pays ; la tribune de Kamel Daoud (algérien laïc vivant et
écrivant en Algérie) va faire l’objet d’une polémique spécifique, à travers la
réponse, parue quelques jours après, de plusieurs intellectuels qui l’accusent
entre autres d’islamophobie,.
Après avoir présenté la tribune de Kamel Daoud, je
reproduis ci-dessous le texte hostile à son point de vue.
Référence
*Kamel
Daoud, « Cologne, lieu de fantasmes », Le Monde, 31
janvier 2016, disponible en ligne (lien)
*Collectif, « Nuit de Cologne : « Kamel
Daoud recycle les clichés orientalistes les plus éculés » », Le Monde, 11 février
2016 (lien)
Texte
« Dans une tribune publiée par le journal Le Monde le 31 janvier 2016, le
journaliste et écrivain Kamel Daoud propose d’analyser « ce qui s’est passé à
Cologne la nuit de la Saint-Sylvestre ». Pourtant, en lieu et place d’une
analyse, cet humaniste autoproclamé
livre une série de lieux communs
navrants sur les réfugiés originaires de pays musulmans.
Tout en déclarant vouloir déconstruire les
caricatures promues par « la droite et l’extrême droite », l’auteur recycle les clichés orientalistes les plus éculés,
de l’islam religion de mort cher à Ernest Renan (1823-1892) à la psychologie
des foules arabes de Gustave Le Bon (1841-1931). Loin d’ouvrir sur le débat
apaisé et approfondi que requiert la gravité des faits, l’argumentation de Daoud ne fait qu’alimenter les fantasmes islamophobes d’une partie croissante du
public européen, sous le prétexte de refuser tout angélisme.
Essentialisme
Le texte repose sur trois logiques qui, pour être
typiques d’une approche culturaliste que de nombreux chercheurs critiquent
depuis quarante ans, n’en restent pas moins dangereuses. Pour commencer, Daoud réduit dans ce texte un espace regroupant plus
d’un milliard d’habitants et s’étendant sur plusieurs milliers de kilomètres à
une entité homogène, définie par son seul rapport à la religion, « le monde
d’Allah ». Tous les hommes y sont prisonniers de Dieu et leurs actes déterminés
par un rapport pathologique à la sexualité. Le « monde d’Allah » est celui de
la douleur et de la frustration.
Certainement marqué par son expérience durant la
guerre civile algérienne (1992-1999), Daoud ne s’embarrasse pas de nuances et
fait des islamistes les promoteurs de cette logique de mort. En miroir de cette vision asociologique qui
crée de toutes pièces un espace inexistant, l’Occident apparaît comme le foyer
d’une modernité heureuse et émancipatrice. La réalité des multiples formes
d’inégalité et de violences faites aux femmes en Europe et en Amérique du Nord
n’est bien sûr pas évoquée. Cet
essentialisme radical produit une géographie fantasmée qui oppose un monde de
la soumission et de l’aliénation au monde de la libération et de l’éducation.
Psychologisation
Kamel
Daoud prétend en outre poser un diagnostic sur l’état psychologique des masses
musulmanes. Ce faisant, il impute la responsabilité des violences sexuelles à
des individus jugés déviants, tout en refusant à ces individus la moindre
autonomie, puisque leurs actes sont entièrement déterminés par la religion.
Les
musulmans apparaissent prisonniers des discours islamistes et réduits à un état
de passivité suicidaire (ils sont « zombies » et « kamikazes »). C’est
pourquoi selon Daoud, une fois arrivés
en Europe, les réfugiés n’ont comme choix que le repli culturel face au
déracinement. Et c’est alors que se produit immanquablement le « retour du
grégaire », tourné contre la femme, à la fois objet de haine et de désir, et
particulièrement contre la femme libérée.
Psychologiser
de la sorte les violences sexuelles est doublement problématique. D’une part,
c’est effacer les conditions sociales, politiques et économiques qui favorisent
ces actes (parlons de l’hébergement des réfugiés ou des conditions d’émigration
qui encouragent la prédominance des jeunes hommes).
D’autre part, cela contribue à produire
l’image d’un flot de prédateurs sexuels potentiels, car tous atteints des mêmes
maux psychologiques. Pegida n’en demandait pas tant.
Discipline
« Le
réfugié est-il donc sauvage ? », se demande Daoud. S’il répond par la négative,
le seul fait de poser une telle question renforce l’idée d’une irréductible
altérité. L’amalgame vient peser sur tous les demandeurs d’asile, assimilés à
une masse exogène de frustrés et de morts-vivants. N’ayant rien à offrir collectivement aux
sociétés occidentales, ils perdent dans le même temps le droit à revendiquer
des parcours individuels, des expériences extrêmement diverses et riches.
Culturellement inadaptés et psychologiquement
déviants, les réfugiés doivent avant toute chose être rééduqués. Car Daoud ne
se contente pas de diagnostiquer, il franchit le pas en proposant une recette
familière. Selon lui, il faut « offrir l’asile au corps mais aussi convaincre
l’âme de changer ». C’est ainsi bien un projet disciplinaire, aux visées à la
fois culturelles et psychologiques, qui se dessine. Des valeurs doivent être «
imposées » à cette masse malade, à commencer par le respect des femmes.
Ce projet est scandaleux, non pas seulement du fait
de l’insupportable routine de la mission civilisatrice et de la supériorité des
valeurs occidentales qu’il évoque. Au-delà de ce paternaliste colonial, il
revient aussi à affirmer, contre « l’angélisme qui va tuer », que la culture
déviante de cette masse de musulmans est un danger pour l’Europe. Il équivaut à
conditionner l’accueil de personnes qui fuient la guerre et la dévastation. En
cela, c’est un discours proprement anti-humaniste, quoi qu’en dise Daoud.
De quoi Daoud est-il le nom ?
Après d’autres écrivains algériens comme Rachid
Boudjedra ou Boualem Sansal, Kamel Daoud intervient en tant qu’intellectuel
laïque minoritaire dans son pays, en lutte quotidienne contre un puritanisme
parfois violent. Dans le contexte européen, il épouse toutefois une islamophobie
devenue majoritaire. Derrière son cas, nous nous alarmons de la tendance
généralisée dans les sociétés européennes à racialiser ces violences sexuelles.
Nous nous alarmons de la banalisation des discours
racistes affublés des oripeaux d’une pensée humaniste qui ne s’est jamais si
mal portée. Nous nous alarmons de voir un fait divers gravissime servir
d’excuse à des propos et des projets gravissimes. Face à l’ampleur de violences
inédites, il faut sans aucun doute se pencher sur les faits, comme le suggère Kamel
Daoud. Encore faudrait-il pouvoir le faire sans réactualiser les mêmes
sempiternels clichés islamophobes. Le fond de l’air semble l’interdire. »
A venir
*Analyse
de la tribune contre Kamel Daoud
*Présentation
de ses auteurs
Création : 21 juin 2018
Mise à jour :
Révision :
Auteur : Jacques Richard
Blog : Les Malheurs de Sophisme
Page : 41. La tribune contre Kamel Daoud : texte
Lien : http://lesmalheursdesophisme.blogspot.com/2018/06/la-tribune-contre-kamel-daoud.html
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