mercredi 20 décembre 2017

31. Les fumeux rapports PISA : 2016, Mathématiques

Quelques remarques sur le rapport PISA 2016, section Mathématiques


Classement : rapports internationaux sur l'éducation ; rapports PISA





Selon le site Best of One (lien), voici quel était en 2016 le résultat PISA de 44 pays en mathématiques, la note maximale étant 1000.
Selon la coutume, j’indique outre la « note » obtenue, le « rang », puisque dans le monde de PISA, ce qui compte, c’est le rang (alors qu’à l’école, le classement a été aboli depuis 1968 !).

Classement et notes de 44 pays selon l’enquête PISA 2016 (la France a le rang 24)
1
Singapour
564
2
HongKong
548
3
Macao
544
4
Taïwan
542
5
Japon
532
6
Corée
524
7
Suisse
521
8
Estonie
520
9
Canada
516
10
Pays-Bas
512
11
Danemark
511
11
Finlande
511
13
Slovénie
510
14
Belgique
507
15
Allemagne
506
16
Irlande
504
16
Pologne
504
18
Norvège
502
19
Autriche
497
20
Nlle-Zélande
495
21
Australie
494
21
Russie
494
21
Suède
494
24
France
493
25
R. tchèque
492
25
Portugal
492
27
Royaume-Uni
492
28
Italie
490
29
Islande
488
30
Luxembourg
486
30
Espagne
486
32
Lettone
482
33
Hongrie
477
34
Slovaquie
475
35
Israël
470
35
Etats-Unis
470
37
Grèce
454
38
Chili
423
39
Turquie
420
40
Mexique
408
41
Colombie
390
42
Pérou
387
43
Indonésie
386
44
Brésil
377

Analyse
1) On remarque que la « note » la plus élevée est de 564/1000 (soit 11,28/20), la plus basse de 377 : on pourrait donc en conclure que les résultats s’étagent entre médiocre plus et médiocre moins.
2) On peut calculer que l’écart entre le « premier » et le « vingt-quatrième » (la France) est en pourcentage, de : [(564 – 493) : 564] x 100 = 12 % (en gros).
3) On peut remarquer que les résultats se regroupent : on trouve par exemple :
1 pays à 564
3 pays de 548 à 542
4 pays de 532 à 520
5 pays de 516 à 510
5 pays de 507 à 502
10 pays de 497 à 490, etc.
Y a-t-il un sens à mettre l’accent sur le « rang », alors que par exemple, l’écart de 490 à 497 est probablement non signifiant sur le plan statistique ?
Ne serait-il pas préférable de dire, par exemple, que la France fait partie du 6ème groupe de pays, entre 490 et 500 / 1000 (rang 19-29).
C’est pourtant le rang individuel qui prévaut, de façon inepte du reste, en évoquant systématiquement « la France dans les profondeurs du classement » (alors que ce rang est simplement médiocre) !
Cela introduit une distorsion grave, puisque qu’un point de différence de note (1/1000, soit 0,1 %) se traduit par un point de différence de rang (1/44, soit 2,27 %).
4) Pour ce qui est de la performance de la France, notons que si elle est surclassée par l’Allemagne, elle devance le Royaume-Uni, l’Italie et l’Espagne (pour parler de pays comparables), de pas beaucoup, cependant.
5) Y a-t-il un sens à considérer Macao comme un « pays » ? [trait de macaophobie primaire]

Conclusion
La plus grande partie des articles sur le sujet relèvent de la bêtise journalistique.



Création : 20 décembre 2017
Mise à jour :
Révision :
Auteur : Jacques Richard
Blog : Les Malheurs de Sophisme
Page : 31. Les fumeux rapports PISA : 2016, Mathématiques
Lien : http://lesmalheursdesophisme.blogspot.fr/2017/12/les-fumeux-rapports-pisa-2016.html







lundi 11 décembre 2017

30. Les médias et le rapport PIRLS 2016

Quelques remarques à propos du rapport PIRLS 2016, publié en décembre 2017




Classement : rapports internationaux sur l'éducation ; rapports PIRLS




Référence
*Études et statistiques de la Depp, « PIRLS 2016 - Évaluation internationale des élèves de CM1 en compréhension de l'écrit - Évolution des performances sur quinze ans », Note d'information n° 17.24, décembre 2017 (lien)
*Journaux de France Culture, France Inter

Présentation
Le rapport PIRLS 2016 a donné, comme à chaque « rapport » international, à une avalanche de commentaires plus ou moins appropriés, insistant lourdement sur le rang de la France (34ème sur 50, wah !!!) de façon généralement catastrophiste.
Qu’en est-il en réalité ? Quelles sont les performances réelles de la France et leur évolution ?
Je cite une partie du texte de l’étude mentionnée ci-dessus, qui fournit des données un peu plus objectives (si on admet l'objectivité de l'enquête).
Note
*PIRLS : 
En vo : Progress in International Reading Literacy (Le progrès dans la capacité internationale de lecture)
En vf : Programme international de recherche en lecture scolaire)

Texte
« L’étude internationale PIRLS 2016 mesure les performances en compréhension de l’écrit des élèves en fin de quatrième année de scolarité obligatoire (CM1 pour la France).
Avec un score de 511 points, la France se situe au-delà de la moyenne internationale (500 points) mais en deçà de la moyenne européenne (540 points) et de celle de l'OCDE (541 points).
Depuis PIRLS 2001, la performance globale française baisse progressivement à chaque évaluation. En 2016, l’écart est significatif et représente - 14 points sur la période de quinze ans.
Les performances basées sur la compréhension de textes informatifs baissent davantage (- 22 points) que celles des textes narratifs (- 6 points).
Les processus de compréhension les plus complexes (Interpréter et Apprécier) baissent davantage (- 21 points) que les plus simples (Prélever et Inférer, - 8 points). »

Analyse et commentaire
Si nous faisons des calculs en pourcentage, l’écart de 30 points entre la moyenne de la France (511) et la moyenne européenne (541) représente un écart de 5, 55 %.
N’est-il pas alors surprenant d’entendre parler de « catastrophe » (France Culture), de « résultats en chute libre » (France Inter) ?
En ce qui concerne l’évolution de 2011 à 2016, la France est passée de 525 à 511, soit une chute de 2,6 %. Peut-on alors parler d’un écart « significatif » ?
Il y certes une baisse tendancielle. Mais tout ça n’a rien à voir avec ce qui est dit dans les médias, dont la posture est, dans ce domaine, non pas d’information, mais d’imprécation.

Conclusion
Ce rapport PIRLS nécessiterait donc un traitement médiatique plus convenable, moins décliniste.
D’ailleurs, quand on voit que le « premier » est la Russie, on peut se demander à bon droit comment cette étude a été faite ! Mais il semble qu’aucun journaliste ne s’interroge sur le résultat si mirifique d’un pays où le système d’enseignement public n’a pas été à la fête ces vingt dernières années.



Création : 11 décembre 2017
Mise à jour :
Révision :
Auteur : Jacques Richard
Blog : Les Malheurs de Sophisme
Page : 30. Les médias et le rapport PIRLS 2016
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jeudi 7 décembre 2017

29. Quand Viennot fait de l'histoire

Quelques remarques sur un article d’Eliane Viennot à propos de la Révolution française


Classement : Révolution française ; pseudo-historien




Référence
* Éliane Viennot, « Comment la révolution française prive les femmes de citoyenneté », Marianne, 23 décembre 2016 (lien)

Présentation
Eliane Viennot, que j’appellerai ci-dessous « Viennot », est actuellement au premier rang de la lutte pour l’ « écriture inclusive », dont elle est un très chaud partisan et un tonitruant héraut (voir la page Libération et maîtresse Eliane (Viennot)).
Comme je le signalais sur cette page, elle est l'auteur, à la fin de l'année 2016, d'un article sur la Révolution française et les femmes qui vaut son pesant de cacahuètes. Sa campagne pour l’écriture inclusive est dans le droit fil de ses théories historiques : c’est le grand n’importe quoi.
Je propose ci-dessous un début d’analyse de son article de décembre 2016, fondé sur la partie disponible en ligne (la suite viendra).

Texte
« Nous pensons tous que la liberté et l'égalité, en France, ont débuté en 1789. C'est l'enseignement de l'école, des hommes politiques et de certains historiens. La réalité est tout autre.
De même que le fameux suffrage universel de 1848 était réservé aux « Français en âge viril » (proclamation du 16 mars), l'égalité mise en musique à partir de l'été 1789 ne concernait que les hommes. Si la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen publiée en août avait pu laisser planer des doutes, la loi électorale du 22 décembre les levait clairement : seuls les « citoyens actifs » (les hommes relativement riches et hors de « l'état de domesticité ») pouvaient voter et être élus. Ces distinctions allaient toutefois fondre d'un scrutin à l'autre, jusqu'à être abolies en juin 1793 : la deuxième Constitution faisait de tous les hommes des citoyens, tandis que toutes les femmes demeuraient à la porte de la modernité.
Que cette constitution-là n'ait pas été appliquée ne change rien à l'affaire. C'est bien un principe qui est inscrit dans le marbre dès les premiers mois de la Révolution par ceux qui se sont autoproclamés « constituants » et qui s'autorisent à légiférer pour leurs compatriotes. Un principe élaboré au cours du XVIIIe siècle par les philosophes et les savants des Lumières, selon lequel les deux sexes sont destinés par la nature à des... »
[à compléter lorsque j’aurai mis la main sur le numéro ad hoc]

Commentaire
Viennot a entièrement raison sur le point de l’attitude des révolutionnaires vis-à-vis des femmes. C’est du reste un lieu commun depuis quelques décennies, notamment à travers la mise en valeur de la personnalité d’Olympe de Gouges. L’article de Viennot n’a rien de « révolutionnaire » sur le plan historiographique.
Ce qui est beaucoup plus intéressant, c’est la façon dont elle présente le contexte : la Révolution, les Lumières, etc.

Analyse par phrases symptomatiques
1) « Nous pensons tous que la liberté et l'égalité, en France, ont débuté en 1789. C'est l'enseignement de l'école, des hommes politiques et de certains historiens. La réalité est tout autre. »
On discerne le thème conspirationniste de la « science officielle » contre laquelle va se dresser une valeureuse historienne isolée, bien que puisque « certains historiens » sont ralliés à la « science officielle », certains autres historiens partagent certainement le même point de vue qu’elle. Des noms, des noms !

2) « De même que le fameux suffrage universel de 1848 était réservé aux « Français en âge viril » (proclamation du 16 mars), l'égalité mise en musique à partir de l'été 1789 ne concernait que les hommes. »
Les révolutionnaires de 1789 auraient-ils copié sur ceux de 1848 ? Que fait la police ?
Pourquoi « mise en musique » ? Que fait le chef d'orchestre ?

3) « ceux qui se sont autoproclamés « constituants » et qui s'autorisent à légiférer pour leurs compatriotes »
C’est à peine croyable !
Un rappel des faits est nécessaire. En 1788, Louis XVI décide pour diverses raisons de réunir les Etats généraux du royaume, dont les députés (du Clergé, de la Noblesse, du Tiers Etat) sont élus au printemps 1789. Ils se réunissent le 5 mai à Versailles. Le principe est qu’ils doivent siéger séparément par ordre (un ordre = une voix), ce que les députés du Tiers (50 % des députés) n’acceptent pas (ils veulent une réunion générale, avec un député = une voix).
Suite à diverses péripéties, la situation étant bloquée, les députés du Tiers Etat décident de se proclamer « Assemblée nationale » (17 juin) puis prononcent le serment du Jeu de Paume (20 juin 1789) ; n'osant pas employer la force, Louis XVI cède et, le 27 juin, enjoint aux députés du clergé et de la noblesse qui ont encore refusé de le faire d’aller siéger dans cette nouvelle Assemblée qui se proclame « Assemblée nationale constituante » (9 juillet).
Il s’agit bien d’une « autoproclamation » ; mais Viennot donne à ce mot un sens manifestement péjoratif, alors que, de façon générale, on considère qu’il s’agit du premier acte révolutionnaire de la période. Cette « autoproclamation » se fait contre le pouvoir du roi (en théorie « absolu ») et contre le conservatisme de la majorité des députés du clergé et de la noblesse. Ce que Viennot dit, au contraire, c’est que les députés du Tiers (représentant, avec 50 % des députés, 98 % de la population) ont opéré un coup d’Etat contre le peuple (« s'autorisent à légiférer pour leurs compatriotes »). Le roi et les ordres privilégiés disparaissent du tableau.
Il s’agit d’un délire anachronisant, faisant fi de ce qu'était la situation politique concrète à ce moment (imagine-t-elle que les députés du Tiers auraient dû exiger la tenue d’un référendum ?).

Conclusion
J’ai du mal à comprendre comment, dans ces conditions, la dénomination d’« historien » peut encore être utilisée à propos de cette personne. Il s’agit sans doute d’histoire inclusive, où il est permis, au son des trumpettes, de recourir à de la factualité alternative et de construire de la post-vérité.

Mises à jour
Voir dans le blog Questions d'histoire la page Eliane Viennot, la Révolution française et Donald Trump.



Création : 7 décembre 2017
Mise à jour : 20 décembre 2017
Révision :
Auteur : Jacques Richard
Blog : Les Malheurs de Sophisme
Page : 29. Quand Viennot fait de l'histoire
Lien : http://lesmalheursdesophisme.blogspot.fr/2017/12/quand-viennot-fait-de-lhistoire.html








lundi 4 décembre 2017

28. Libération et maîtresse Eliane (Viennot)

A propos d’un article flagorneur de Libération sur Eliane Viennot


Classement : linguistique ; discours médiatique ; bêtise humaine ; snobisme linguistique




Ceci est un complément à la page L'écriture inclusive 1. le point médian, dans lequel je donne un exemple d’usage inepte de ce nouveau signe typographique.

Référence
*Libération, 30 novembre 2017, page 29 : article de Florian Bardou, « Péril pour immortel.le.s »

Présentation
Il s’agit d’un « Portrait » d’Eliane Viennot « historienne féministe [qui] plaide, contre l’Académie, pour l’apprentissage d’un français démasculinisé ».
Il y aurait beaucoup à dire sur Eliane Viennot, dont l’article sur l’histoire des femmes dans le numéro de Marianne consacré à ce sujet il y a quelque temps était un ramassis de sottises (voir la page Quand Viennot fait de l'histoire).
A l’heure actuelle, la mère Viennot, qui revendique le titre de « professeuse » (raison pour laquelle je lui donnerais bien celui de « maîtresse Eliane » ; je l’imagine en effet volontiers en domina, vêtue de cuirs donnant libre accès à la vision  de ses  belles rondeurs), semble avoir trouvé une raison de survivre dans une propagande frénétique pour l’orthographe inclusive.
Libération, toujours à la pointe de la bêtise moderniste, n’est pas en reste, et encore moins le sieur Bardou Florian, qui se vautre dans la lèchecutterie (c'est approprié) la plus éhontée.

Texte
Je cite un passage de l’article :
« Est-ce de la modestie ? Depuis la parution de son essai Non, le masculin ne l’emporte pas sur le féminin ! cette prof à la retraite de littérature de la Renaissance est pourtant l’un.e des partisan.ne.s les plus infatigables des règles de grammaire non sexistes Pour défendre « l’écriture inclusive », exagérément qualifiée de « péril mortel » par les académicien.ne.s, elle court plateaux télé et conférences, quitte à ne plus trop savoir où elle habite. Début novembre, avec le soutien de 314 professeurs et professeuses – et non pas « professeures » – elle a initié un manifeste pour l’enseignement de l’accord de proximité »…

Analyse
1) Pourquoi Bardou utilise-t-il le point médian pour « l’un.e des partisan.ne.s » ? Puisqu’il s’agit de Viennot Eliane, il suffisait d’écrire « l’une des partisanes ».
2) Pourquoi du reste n’écrit-il pas « partisan.e.s » mais « partisan.ne.s » , donnant à croire que le féminin de « partisan » est partisanne » et non pas « partisane » ? Un peu plus bas, il écrit « correctement » « les académicien.ne.s » (= « les académiciens et académiciennes », le féminin prend bien ici deux « n »)
3) Pourquoi au contraire ne l’utilise-t-il pas pour « 314 professeurs et professeuses » (> « 314 professeu.r.se.s ») ? Parce qu’il fallait absolument mettre en évidence une marotte secondaire de Viennot, ce terme particulièrement laid de « professeuse » (mettant, du fait qu’il s’agit d’un néologisme, bien en valeur une partie de l'anatomie humaine).
4) Pourquoi n’utilise-t-il pas de point médian pour écrire « cette prof à la retraite », alors qu’il aurait « évidemment » fallu écrire « cette prof.e à la retraite » ou, du moins, « cette profe à la retraite ».

Conclusion
Non seulement le point médian est une ineptie, mais ses thuriféraires ne sont même pas capables de l’utiliser correctement !
Il est vrai que les journalistes de Libération ne brillent pas par la culture ; il n’est pas étonnant que Bardou gratifie Viennot du titre de « prof ».



Création : 4 décembre 2017
Mise à jour :
Révision :
Auteur : Jacques Richard
Blog : Les Malheurs de Sophisme
Page : 28. Libération et maîtresse Eliane (Viennot)
Lien : http://lesmalheursdesophisme.blogspot.fr/2017/12/liberation-et-maitresse-eliane-viennot.html