dimanche 24 juin 2018

42. La tribune contre Kamel Daoud : Analyse 1

Quelques remarques à propos d’une tribune de Kamel Daoud sur les événements de Cologne et de la polémique qui en est résulté


Classement : islam ; islamisme ; critique de l'islam




Ceci est la suite des pages

Introduction
Fin janvier 2016, une tribune de l’écrivain algérien, consacrée aux événements de Cologne (31 décembre 2015-1° janvier 2016). Ces événements font l’objet d’une polémique, en France comme en Allemagne et dans d’autres pays ; la tribune de Kamel Daoud (algérien laïc vivant et écrivant en Algérie) va faire l’objet d’une polémique spécifique, à travers la réponse, parue quelques jours après, de plusieurs intellectuels qui l’accusent entre autres d’islamophobie,.
Après avoir présenté la tribune de Kamel Daoud puis le texte qui lui est hostile, je résume et j’analyse ci-dessous cette seconde tribune.

Références
*Kamel Daoud, « Cologne, lieu de fantasmes », Le Monde, 31 janvier 2016, disponible en ligne (lien)
*Collectif, « Nuit de Cologne : « Kamel Daoud recycle les clichés orientalistes les plus éculés » », Le Monde, 11 février 2016 (lien)

Résumé de la tribune
Après une introduction purement rhétorique (dépourvue de tout élément factuel) fortement dépréciative à l’encontre de la personne et du texte de Kamel Daoud, les auteurs étudient les « trois logiques » qui, selon eux, régissent sa tribune :
1) l’essentialisation du monde musulman et de l’Occident
2) une psychologisation des actes commis à Cologne
3) une volonté d’imposer aux réfugiés une discipline afin de les rendre conformes aux valeurs de l’Occident.
Mais un tel résumé est insuffisant parce que l’argumentation est constamment parasitée par une rhétorique de dépréciation.

Plan de l’analyse
A) Les événements de Cologne selon le Collectif
B) Kamel Daoud selon le Collectif
1) Remarques positives
2) Remarques dépréciatives
3) Les formules dépréciatives dans la tribune de Kamel Daoud
C) L’argumentation du Collectif (à venir)

Analyse
A) La présentation des faits par le collectif
Dans l’ensemble, le Collectif n’essaie pas de présenter les événements de Cologne comme anodins :
« Face à l’ampleur de violences inédites, il faut sans aucun doute se pencher sur les faits »
« le débat apaisé et approfondi que requiert la gravité des faits »
« un fait divers gravissime »
On trouve cependant une notation de style « excusiste » :
« Psychologiser de la sorte les violences sexuelles est doublement problématique. […], c’est effacer les conditions sociales, politiques et économiques qui favorisent ces actes (parlons de l’hébergement des réfugiés ou des conditions d’émigration qui encouragent la prédominance des jeunes hommes). ».
Cette remarque est sans doute fondée, mais pas pertinente pour autant (une situation générale ne convenant pas pour étudier un fait ponctuel).

B) Kamel Daoud dans la tribune du collectif
Dans l’ensemble, Kamel Daoud (« Daoud ») n’est pas présenté sous un très bon angle dans cette tribune ; j’ai cependant trouvé des éléments positifs, dont la présence n’est pas très cohérente avec le reste (négligences dans la correction ?).

1) Remarques positives
a) « Après d’autres écrivains algériens comme Rachid Boudjedra ou Boualem Sansal, Kamel Daoud intervient en tant qu’intellectuel laïque minoritaire dans son pays, en lutte quotidienne contre un puritanisme parfois violent. »
b) « il faut sans aucun doute se pencher sur les faits, comme le suggère Kamel Daoud. » [noter dans ces deux cas l’emploi du prénom]

2) Remarques dépréciatives
a) « humaniste autoproclamé » |noter que le mot « humaniste » n’est employé qu’une fois par Kamel Daoud : « [le réfugié] est la victime qui recueille la projection de l’Occidental ou son sentiment de devoir humaniste ou de culpabilité » ! Le Collectif se réfère ici à un point de vue des médias français qui considèrent Kamel Daoud comme un « humaniste » ; je ne sais pas si Kamel Daoud s'est jamais « autoproclamé » « humaniste ».]
b) « lieux communs navrants »
c) « [il] recycle les clichés orientalistes les plus éculés, de l’islam religion de mort cher à Ernest Renan (1823-1892) à la psychologie des foules arabes de Gustave Le Bon (1841-1931). » (pas moins de trois termes péjoratifs : « recycler », « clichés », « éculés ») [est-ce que cela se trouve vraiment chez Renan et Le Bon ? Aucune preuve. Aucune citation. Or Renan et Le Bon ne sont pas des auteurs lus, ni très connus, en France à l’heure actuelle]
d) « l’argumentation de Daoud ne fait qu’alimenter les fantasmes islamophobes d’une partie croissante du public européen » [on pourrait cependant imaginer que la propagande de Daech avait à l’époque une influence au moins aussi importante pour inciter à « la peur de l’islam », sans parler des attentats de l’année 2015 en France et dans d’autres pays, à moins qu’il ne s’agisse de « fantasmes »]
e) « [son] texte repose sur trois logiques qui, pour être typiques d’une approche culturaliste que de nombreux chercheurs critiquent depuis quarante ans, n’en restent pas moins dangereuses » [référence probable aux travaux d’Edouard Said ; mais encore aucune citation. En quoi ces travaux s’appliquent au cas traité ?]
f) «  marqué par son expérience durant la guerre civile algérienne (1992-1999), Daoud ne s’embarrasse pas de nuances » [[il devrait pourtant être reconnaissant de ne pas avoir été zigouillé dans les années 1990]
g) « vision asociologique qui crée de toutes pièces un espace inexistant »
h) « Pegida n’en demandait pas tant. » [là encore, il me semble que Pegida n’a pas fondé son point de vue anti-musulman sur les écrits de qui que ce soit ; le Collectif emploie probablement « Pegida » comme pré-synonyme de « nazi »]
i) « ce projet est scandaleux, non pas seulement du fait de l’insupportable routine de la mission civilisatrice et de la supériorité des valeurs occidentales qu’il évoque »
j) « conditionner l’accueil de personnes qui fuient la guerre et la dévastation. En cela, c’est un discours proprement anti-humaniste, quoi qu’en dise Daoud »
k) « dans le contexte européen, il épouse toutefois une islamophobie devenue majoritaire. Derrière son cas, nous nous alarmons de la tendance généralisée dans les sociétés européennes à racialiser ces violences sexuelles. » [noter l’amalgame entre « peur de l’islam » et « racisme » : preuve du caractère « pourri » du concept d’« islamophobie »]
l) « banalisation des discours racistes affublés des oripeaux d’une pensée humaniste qui ne s’est jamais si mal portée. Nous nous alarmons de voir un fait divers gravissime servir d’excuse à des propos et des projets gravissimes. »
m) « réactualiser les mêmes sempiternels clichés islamophobes »
Fichtre !

3) Les formules dépréciatives dans la tribune de Kamel Daoud
Relisons la tribune de Kamel Daoud. 
Si celui-ci utilise des termes dépréciatifs, c’est en moins grand nombre et de façon plus discrète. A proprement parler, Kamel Daoud ne profère aucune injure, même contre les islamistes (qu’il déteste pourtant manifestement) ; il ne les traite même pas d’ « anti-humanistes »…  Il désigne Daech comme « l’organisation Etat islamique », formule qui ne me paraît pas injurieuse. Il écrit « L’islamiste n’aime pas la vie », ce qui peut se discuter, mais n’est pas non plus injurieux.
On trouve un passage extrêmement violent : « ce porno-islamisme dont font discours les prêcheurs islamistes pour recruter leurs « fidèles » : descriptions d’un paradis plus proche du bordel que de la récompense pour gens pieux, fantasme des vierges pour les kamikazes, chasse aux corps dans les espaces publics, puritanisme des dictatures, voile et burka » ; est-ce que « porno-islamisme » est pour autant une injure ? (peut-être le serait « porno-islamiste ! », mais « porno-islamisme » est un concept, pas une adresse verbale.
On trouve aussi : « L’islamisme est un attentat contre le désir », ce qui est peut-être diffamatoire.

Conclusion
Alors que le texte de Kamel Daoud est, me semble-t-il, neutre sur le plan de la rhétorique péjorative, les auteurs du collectif utilisent de nombreux termes visant à le discréditer. C’est un peu inquiétant pour la bonne tenue du débat.

A venir
*L’argumentation du Collectif
*Les membres du Collectif



Création : 24 juin 2018
Mise à jour :
Révision : 15 septembre 2018
Auteur : Jacques Richard
Blog : Les Malheurs de Sophisme
Page : 42. La tribune contre Kamel Daoud : Analyse 1
Lien : http://lesmalheursdesophisme.blogspot.com/2018/06/la-tribune-contre-kamel-daoud-analyse-1.html








Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire